Les tendances architecturales ont toujours privilégié la transparence. Entre autres pour l’esthétique, l’optimisation des apports solaires et en lumière naturelle à l’intérieur des bâtiments. Et c’est toujours le cas aujourd’hui, malgré les problématiques liées au climat. Mais il existe d’autres manières de faire pour laisser passer la lumière naturelle, notamment avec des produits et des systèmes translucides.

Dossier réalisé par Stéphane Miget

La translucidité, une tendance forte

Façades et couvertures sont de plus en plus souvent mises en valeur avec des matériaux translucides. Leurs fonctions ? Préservation de l’intimité, protection solaire, apport de lumière naturelle, création de jeux de lumière ou de décors…

 

 Lauréat 2021 du prix national Art urbain dans les territoires, le projet BSL de Soissons – Atelier Cité Architecture – est habillé de panneaux translucides en polycarbonate Poly Pac : ArcoPlus® 920-7 Cristal pour la couverture et ArcoPlus® 626 cristal en partie haute d’un bardage ondulé en métal prélaqué. L’élaboration de la gamme chromatique de cette façade s’est articulée autour de la multiplicité de teintes chaudes, en rappel de la terre cuite.
Photo : Poly Pac

Translucide : « Qui laisse passer la lumière mais qui n’est pas transparent. » Telle est la définition donnée par le Petit Robert. En façade, cela se traduit par la mise en œuvre de produits et de systèmes qui laissent pénétrer la lumière naturelle dans les locaux, voire qui créent, la nuit, des jeux de lumière artificielle. Ce sont généralement des bardages en polycarbonate, des vitrages sérigraphiés, des briques de verre, des membranes textiles ou ETFE, ou encore du béton ou des résilles métalliques.

À des degrés divers, ces procédés, sans être transparents, apportent un éclairage naturel de qualité dans les volumes intérieurs, avec une luminosité bien répartie, même lorsque celle-ci est faible à l’extérieur. Ils sont utilisés pour préserver l’intimité entre intérieur et extérieur, ou tout simplement pour éviter le rayonnement direct du soleil, notamment dans certains lieux de travail ou dans un musée.

Si la lumière naturelle est un atout pour valoriser, par exemple, des œuvres exposées, elle peut aussi en détériorer certaines, comme les teintes de certains tissus, les peintures et, plus encore, les dessins. Le matériau translucide va répartir de façon homogène la lumière issue du rayonnement solaire, tout en les protégeant et en apportant du confort visuel au visiteur.

Restructuration de la gare de Rennes (Arep), avec création d’une toiture en ETFE sur une structure acier-bois. La rive des modules de toiture est formée par un tube gonflé en ETFE d’un mètre de diamètre. Ce tube traverse les façades de la gare et se poursuit à l’intérieur du hall. Il s’appuie sur un grillage thermolaqué, formant l’âme des poutres longitudinales.
Photo : Arep

Verre sérigraphié au service des grands volumes

De fait, les nombreux matériaux ou systèmes utilisés pour faire pénétrer la lumière tout en jouant avec, permettent de créer ces façades particulières. Le premier auquel on pense immédiatement est le verre, notamment les vitrages dépolis à l’acide, sablés ou sérigraphiés. Aujourd’hui, c’est ce dernier qui a la préférence des concepteurs. Il repose sur deux technologies : la plus ancienne consiste à imprimer un motif géométrique standard ou personnalisé sur la surface du verre.

On utilise alors le même procédé de base que pour le verre émaillé : les émaux sont appliqués sur le verre à travers la maille fine d’un écran textile. Ce verre est ensuite vitrifié à la surface par le procédé de trempe thermique, ce qui permet au vitrage de supporter les efforts thermiques ou mécaniques. Plus récente et complémentaire, l’impression digitale.

Celle-ci offre la possibilité de réaliser de grands volumes verriers en grandes ou petites séries, de multiplier les couleurs et les motifs figuratifs ou géométriques. Ici, le verre émaillé est travaillé par impression numérique en haute résolution. Elle est effectuée par couches, ce qui autorise différents niveaux d’opacité de l’image, de la transparence à l’opacité totale, selon l’effet recherché.

 Le polycarbonate à lumière douce Wall-lite (Kingspan) est une alternative économique aux systèmes éclairants traditionnels. Les panneaux sont installés dans la continuité des bardages avec lesquels ils partagent le même emboîtement. Ils apportent à l’intérieur du bâtiment une lumière douce et naturelle.
Photo : Kingspan
 Vitrage Artlite AGC, dont une des faces est recouverte de motifs décoratifs inaltérables, réalisés en appliquant un dépôt d’émail sur le verre par procédé sérigraphique ou impression digitale.
Photo : AGC

Brique de verre, dimension tridimensionnelle

Le verre, c’est aussi la brique de verre. L’architecture Art déco et le mouvement moderne l’ont popularisée – la façade de la maison de Pierre Chareau en est un bel exemple. Aujourd’hui, les prescripteurs s’y intéressent à nouveau. Ces produits verriers ont, en effet, la capacité d’apporter de la lumière naturelle à l’intérieur des locaux depuis les toitures – on parle alors de pavés de verre – et les façades. À l’inverse d’une surface vitrée traditionnelle, la brique de verre confère une dimension tridimensionnelle qui peut être intensifiée en modifiant l’aspect, l’épaisseur et la couleur du quadrillage du joint. La brique restitue la lumière en la filtrant plus ou moins.

Déclinées en différents modèles, elles offrent de multiples variations dans les jeux avec la lumière, de la transparence à l’opalescence (invisibilité de chaque côté de la paroi, tout en filtrant la lumière). Incolores et lisses, elles sont totalement transparentes ; nuagées, elles décomposent l’image ; satinées, elles deviennent opalescentes. Les briques dépolies donnent, quant à elles, une opalescence plus couvrante. Certaines sont isolantes, affichant 2,8 à 3,2 W/m2C pour celles à double paroi, contre 5 W/m2C pour la simple paroi. Des performances obtenues grâce à la technique de fabrication : soudure à chaud de deux demi-briques creuses contenant de l’air raréfié.

Polycarbonate, résistant et léger

Autre matériau proposant les mêmes effets, le polycarbonate. Son excellente résistance aux impacts et sa légèreté, source d’économies sur les structures, tout comme sa large plage de températures d’utilisation, lui donnent un sérieux avantage pour une mise en œuvre sur les verrières ou serres, et aussi désormais en façade. Jusqu’à récemment, il était surtout cantonné aux bâtiments agricoles et industriels. Aujourd’hui, il s’invite partout : dans le secteur tertiaire, les ERP et de plus en plus souvent dans l’habitat.

Commercialisé pour la première fois dans les années 1950, ce thermoplastique est proposé sous la forme de plaques alvéolaires d’épaisseurs variables (de 4 à 55 mm) et plus ou moins transparentes (82 % de transmission lumineuse pour les plus performantes). Comme pour le verre, les fabricants ont peaufiné leurs produits afin qu’il apporte à la fois l’isolation thermique, la résistance aux ultraviolets, la transparence et le contrôle solaire. Par exemple, les panneaux de dernière génération peuvent intégrer une couche spéciale co-extrudée sur leur face intérieure.

Celle-ci vient atténuer des rayons solaires infrarouges, d’où une limitation de la transmission de chaleur, tout en laissant pénétrer un maximum de lumière. D’autres traitements de surface réduisent les apports en renvoyant les rayons solaires et en limitant ainsi les apports excédentaires de chaleur et de lumière. Ils sont utilisés seuls ou parfois en double peau, comme des vitrages secondaires, à l’intérieur ou à l’extérieur ; ainsi leurs propriétés sont décuplées. Aujourd’hui les concepteurs se les arrachent pour la réalisation de façades ventilées, les fameuses façades lumière.

Concept de panneaux de façade et sheds en polycarbonate alvéolaire intégrant des microbilles de verre, Pearl Inside de SIH. D’un aspect cristallin, le procédé améliore sensiblement la diffusion de la lumière naturelle (facteur solaire d’environ 30 % pour une transmission lumineuse de 43 %).
Photo : SIH

Membranes ETFE ou composites pour formes complexes

Au nombre des systèmes aptes à créer des ambiances spécifiques, on compte aussi les membranes : celles en éthylène tétrafluoroéthylène (ETFE) ou les composites ajourées, autrefois appelées toiles textiles. Les premières ont des propriétés qui en font un matériau de choix pour apporter transparence ou opacité en toiture et aussi, depuis peu, en façade. Dans des applications monocouches ou multicouches, elles se distinguent par leur légèreté (50 à 100 fois plus légères que le verre, 1,5 à 2 kg/m²).

Ce qui limite le dimensionnement des structures de support, des portées et des liaisons, et donc génère une économie substantielle. On peut réguler, comme avec le verre, les coefficients de transmission de la lumière du soleil en imprimant une feuille avec un motif spécifique ou deux feuilles avec des motifs complémentaires. Ou encore avec une coloration dans la masse dont on variera l’intensité. Cousines des films ETFE, les membranes composites apportent, à des degrés variables, un éclairage naturel de qualité.

Ces toiles sont constituées d’un support résistant tissé – polyester, fibres de verre ou de Kevlar – et d’une enduction imperméable – PVC, téflon ou encore silicone. La transmission de la lumière naturelle est de l’ordre de 5 à 45 %. Il en existe de toutes les couleurs. Comme les membranes ETFE, ces toiles autorisent des formes complexes sur des structures légères en raison de leur faible poids : 1,5 kg/m2 pour les plus lourdes ! En rénovation de salles de sport ou de piscines, elles s’imposent donc comme une solution technique lumineuse, esthétique et qualitative, et elles permettent de conserver la structure existante. Si elles sont adaptées à la protection solaire, elles n’ont, en revanche, aucune influence sur la thermique.

Stéphane Miget

FOCUS

Parking belvédère, entre la fonction et le geste artistique

Photo : Cyrille Weiner
 

Le parking, courbe et translucide 

Le parking proprement dit est organisé dans un triangle aux angles arrondis créant des lignes de fuite qui en diminuent l’effet de masse et donnent l’impression d’être plus petit qu’il ne l’est en réalité. L’espace intérieur est organisé selon un double circuit. Volume translucide et léger, le bâtiment s’insère de façon douce dans le tissu urbain. Les courbes aux extrémités du triangle répondent aux angles arrondis des bâtiments voisins. Les façades comportent 50 % de vide, afin que le parking soit considéré comme un extérieur en matière de réglementation incendie.

Elles sont habillées de bandes de verre verticales posées à 45° (verre recyclé à 60 % et émaillé pour être opalescent). Les vides créés offrent différentes vues sur la ville.

L’extérieur du bâtiment est constitué d’un profilé métallique en U qui s’enroule du niveau de la rue jusqu’au dernier étage en enveloppant le bâtiment. Entre ces U métalliques, les bandes de verre proposent un jeu de montré-caché, perceptible de l’intérieur comme de l’extérieur du parking. Le jour, c’est la fonctionnalité du bâtiment qui s’affirme. La nuit, sa perception change, l’éclairage intérieur l’inscrit dans le paysage urbain telle une lanterne émettant une douce lumière. Sur le toit du parking, des ombrières équipées de cellules photovoltaïques abritent les voitures.

Le belvédère, orthogonal et coloré 

En raison de sa position à l’extrémité de l’axe patrimonial, le bâtiment devait proposer une fonction supplémentaire aux habitants et aux visiteurs, et pas simplement celle de parking. Le belvédère-sculpture, qui sort en porte-à-faux pour venir dans l’axe de la rue de Boigne, est agrafé au bâtiment du parking. Ses tonalités rappellent les couleurs chaudes des façades des maisons de la vieille ville. « L’écriture architecturale repose sur la complémentarité entre les façades du parking, courbes minimales et translucides, et le belvédère-sculpture, orthogonal et coloré. Cet assemblage donne au bâtiment son identité singulière. C’est dans cette idée que s’est établie la collaboration avec Krijn de Koning », résument les architectes. 

Maîtrise d’ouvrage : QPark
Maîtrise d’œuvre : Hérault Arnod Architectures, mandataire Thomas Féraud /Jérôme Moenne-Loccoz et Florent Bellet, chefs de projet
Projet artistique : Krijn de Koning, artiste

Cet article est extrait du n°162 du magazine 5Façades disponible sur Calameo.