Tuile terre cuite : de plus en plus architendance

Tuile terre cuite : de plus en plus architendance

La maison Diamant à Rennes (détail), Grand Prix et Prix Maison individuelle 2020 ; MNM Architectes/Margot Le Duff & Matthieu Girard Architectes DPLG. Photo : Stéphane Chalmeau

Le palmarès du concours La tuile terre cuite Architendance a été dévoilé le 12 décembre 2020. Né en 2012 d’un partenariat entre la Fédération française des tuiles et briques (FFTB) et du Réseau des maisons de l’architecture (RMA), le prix récompense, tous les deux ans, des projets qui utilisent ce matériau dans des réalisations contemporaines. Nouveauté cette année : le jury, pendant les délibérations, a souhaité créer une nouvelle catégorie : Habitat intermédiaire. Une façon de répondre à l’actualité, l’expérience du confinement reposant de façon criante la question du « mal-logement ». Il leur est donc apparu comme opportun de récompenser une opération qui optimise l’espace, tout en proposant des logements en adéquation avec les aspirations des citoyens. Par exemple, l’accès à un espace extérieur privatif, l’accès individualisé à son logement, un agencement qui privilégie l’intimité de vie en évitant l’isolement…

Questions à Anne-Sophie Kehr, présidente du Réseau des maisons de l’architecture et présidente de la 5e édition de La tuile terre cuite Architendance.

5façades – En quoi ce partenariat avec la FFTB est-il important pour le Réseau des maisons de l’architecture ?

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Anne-Sophie Kehr – Parce que, ancestrale, la tuile terre cuite sert aujourd’hui une architecture contemporaine de qualité, qui laisse une place importante à l’innovation, à la technicité et à une mise en œuvre maîtrisée. Nous devions remettre le prix en novembre 2020 à Clermont-Ferrand pour la 5e biennale du réseau. Cette biennale devait poser la question de l’appropriation et de la réappropriation de l’architecture et des espaces critiques de la ville, le travail avec l’existant, le déjà-là. La remise du prix prenait d’autant plus de sens car la tuile terre cuite porte une démarche intelligente à travers des valeurs d’écologie, de recyclage, de construction avec des ressources locales (circuit court) à plus faible impact carbone. Dans le même temps, le matériau donne du caractère à un site, il a cette capacité à mettre en exergue le génie du lieu. L’offre est toujours plus diversifiée, ce qui permet aux architectes de jouer avec des enveloppes très différentes, d’adapter non pas l’architecture au matériau, mais d’apporter avec le matériau des réponses architecturales intéressantes sur des sites et dans des contextes différents.

Que retenez-vous des projets de cette 5e édition ?

Tous mettent en avant un échange collaboratif entre architectes et fabricants, ce qui n’est pas toujours le cas avec les autres matériaux. Autre point commun intéressant, la fusion toiture et façade : le matériau devient une peau, l’enveloppe unificatrice d’un volume protecteur.

C’est seulement une peau protectrice ou c’est aussi un dialogue avec les alentours ?

Les deux ! Le pôle culturel de Cabourg, qui a eu le prix dans la catégorie Équipement tertiaire, nous a vraiment interpellés sur ce plan, car le matériau homogénéise, tout en contribuant à fabriquer le territoire. La matérialité donne du sens au lieu car elle fait écho aux couleurs locales, au caractère vernaculaire. Il n’y a pas d’opposition entre façade et toiture, mais une vraie intelligence de la volumétrie et une cohérence dans la juxtaposition avec d’autres matériaux, qui parlent eux aussi de territoire, comme la pierre, le bois.

Qu’avez-vous relevé d’autre ?

Le jury a récompensé la maison Diamant à Rennes, et les étudiants, la grange de vacances à Allan, dans la Drôme. Soit deux maisons individuelles qui sont comme un écho à ce que nous traversons… Nous attachons de nouveau de l’importance à nos lieux de vie domestique. Si la maison de Rennes a autant touché le jury, ce n’est pas seulement par sa matérialité. C’est aussi par le travail des seuils entre espace intime et espace public, par cet entredeux qu’ils ont réussi à créer sous cette grande enveloppe. Un dedans-dehors dans la maison, visible dans la coupe du projet, qui révèle l’attention portée à la création d’un monde intérieur protégé de l’espace public, tout en étant un extérieur. Les étudiants en choisissant la grange de vacances interpellent également. Là, il est question de réhabilitation, de réappropriation et d’harmonie. Les architectes ont mis en avant un déjà-là qui, grâce à la tuile, a été réinterprété avec une humble élégance. Nous en revenons aux matériaux locaux. Sur presque tous les projets, les archi­tectes ont insisté sur cet aspect.

Et le prix du Public ?

C’est la halle du marché de Courbevoie : une grande toiture sur une fonction d’échanges entre humains, pourrait-on dire. Le traitement de la cinquième façade est très intéressant : la toiture se déploie et prend toute son importance. C’était capital pour les architectes car celle-ci est vue depuis les logements alentour. Ils l’ont anoblie avec cette tuile émaillée qui prend la lumière.

Vous disiez que le jury avait été sensible à des projets qui ne se limitent pas à des gestes architecturaux suspendus, qu’avez-vous voulu dire ?

L’audace est apportée par le matériau, pas par le geste architectural. Frank Lloyd Wright disait : « L’archi­tecture, c’est un toit sur une fonction. » Je trouve cette définition très pertinente. On le voit bien avec la résidence Terre Sud à Bègles, en Gironde, Prix du Logement collectif. Les architectes ont travaillé sur une utilisation fine du matériau, via différents degrés de matification de la tuile. C’est presque de la haute couture. Le matériau donne un aspect vivant à la façade.

Découvrir le palmarès La tuille terre cuite Architendance 2020