Dans la lutte contre le réchauffement climatique, la rénovation énergétique de l’habitat est un puissant levier pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Une perspective qui se heurte à 5 millions de passoires thermiques et 3,8 millions de ménages qui ont du mal à payer la facture de chauffage. La mise aux normes environnementales du parc immobilier français doit aussi répondre à la nécessité de soutenir le pouvoir d’achat et à l’enjeu de santé publique d’améliorer les conditions de vie des citoyens.

« Le retard à rattraper est énorme et les sommes à engager sont colossales. »

La rénovation énergétique se déploie aujourd’hui dans quel contexte ?

Philippe Alluin, ingénieur-architecte, fondateur de Reezome, réseau d’ingénieries pour l’architecture et le développement durable, engagé dans l’assistance à maîtrise d’ouvrage des rénovations énergétiques.
Photo : Reezome

Nous sommes face à un patrimoine immobilier fortement dégradé et moins bien entretenu que chez nos voisins allemands et suisses. C’est culturel en France, la confiance à l’égard du maçon et en la pierre faite pour durer. Du coup, tout le bâti des Trente Glorieuses n’a pratiquement pas suivi l’évolution des besoins de la société. Il faut aujourd’hui le remettre à niveau, le retard à rattraper est énorme et les sommes à engager colossales. Nous sommes au pied du mur, l’énergie est devenue très chère et il est nécessaire d’engager une transition écologique. 

Tout cela crée des besoins très importants pour l’habitat et ce n’est pas toujours très simple de les harmoniser. Les premiers à avoir mis leurs bâtiments aux normes, ce sont les sociétés foncières. Normal, leur business dépend de leurs revenus locatifs. L’État, de son côté, a longtemps rechigné à obliger les propriétaires à réaliser des travaux de réhabilitation, les investissements étant très lourds. Je me souviens qu’il a fallu vingt ans pour la mise aux normes des ascenseurs. L’accessibilité aux personnes à mobilité réduite a aussi été très étalée dans le temps.

Quel a été le déclic ?

Pour moi, le basculement c’est la crise énergétique plus encore que le changement climatique. Bien sûr, les climatologues et les chercheurs ont alerté sur le climat bien en amont, mais sans concrétisation, le « Que fait-on ? » est resté sans réponse à ce moment-là. En revanche, le coût de l’énergie qui menace de s’envoler fait bouger les choses et le Grenelle de l’environnement vient d’avoir lieu. En 2010, le bras armé de la politique énergétique en France, l’Ademe, développe l’idée d’un audit énergie. Mais les esprits ne sont pas prêts, beaucoup pensent encore que les logements sont peu énergivores et l’énergie pas chère. Les audits une fois effectués en restent là, rangés au fond d’un tiroir. L’Ademe est passée à côté de la complexité du monde du bâtiment et a négligé le fait que cet enjeu technique allait soulever des questions financières, juridiques, humaines, etc. dont personne n’avait les réponses. Résoudre les problèmes de façon scientifique n’a pas fait passer le message.

« L’Ademe est passée à côté de la complexité du monde du bâtiment et a négligé le fait que cet enjeu technique allait soulever des questions financières, juridiques, humaines, etc. dont personne n’avait les réponses. »

Je crée alors Reezome dans l’idée de mettre l’ingénierie au service de l’architecture. L’objectif est de travailler avec de jeunes ingénieurs qui, sensibles au développement durable, envisagent le bâtiment autrement. Avec une vision d’ensemble et pluridisciplinaire selon l’approche d’Edgar Morin : « Plus la science avance, plus il faut de spécialistes, plus on divise, plus on perd la vision globale. » Très vite, nous sommes sollicités par la plus grosse copropriété de France, 2 500 logements classés « Patrimoine du 20e siècle », construits par Fernand Pouillon à Meudon-la-Forêt. Le cas de figure type de bâtiments où rien n’a été fait depuis cinquante ans et où il faut tout reprendre : étanchéité, fenêtres, chauffage, etc. En même temps, on découvre que tout est à inventer : comment monter une opération avec une copropriété, quels sont nos droits, comment on va financer… Cela nous a pris trois ans pour faire un audit.

Le monde de la copropriété était donc méconnu ?

C’est vrai que son statut juridique, qui divise l’immeuble en parties privatives et communes, entraîne une gestion très complexe. Les fenêtres par exemple sont du domaine privatif, il faut donc un accord à titre individuel pour chaque logement. Cette démocratie directe fait fuir les professionnels de l’immobilier. Elle est familière aux syndics sans toutefois leur faire outrepasser leur rôle d’administrateurs de biens. Reezome démontre qu’un projet global est possible avec une opération pilote rue de Vouillé, dans le 15e arrondissement de Paris. Tout y passe, façade, toiture, fenêtres, volets roulants, chaufferie, panneaux photovoltaïques. La première rénovation basse consommation d’immeubles des années 1970 voit le jour, avec une facture d’énergie divisée par deux (de 160 à 80 kWh).

Cela a eu un effet boule de neige. Nous avions montré le chemin de la « coconception », gérer les avis contraires et les faire progresser vers une solution commune. Une démarche appelée bottom-up : partir de l’individu qui va donner son vote en fonction de son propre intérêt et remonter petit à petit vers le collectif en éliminant tout ce qui divise et en agrégeant tout ce qui rassemble. Tout ce travail-là, on l’a appris et on apprend toujours. Il n’y a pas une seule et unique méthode, chaque immeuble est une microsociété avec son histoire et ses règles. C’est passionnant. Sans pour autant perdre de vue l’approche financière. Notre deuxième opération phare a été un financement à taux zéro (remplacé depuis 2020 par MaPrimRénov’) de 400 logements à Palaiseau en 2015-2016. J’ai toujours dit qu’à cette époque on avait les outils et qu’en s’y prenant bien on aurait pu gagner du temps dans la réhabilitation des bâtiments. Mais pour que ça fonctionne, il faut une vision à long terme et avancer étape par étape en créant la confiance. Hélas, c’est chronophage et beaucoup de professionnels veulent gagner de l’argent tout de suite.

Et aujourd’hui la rénovation énergétique est en plein essor, est-ce une satisfaction pour vous ?

Tout s’est accéléré à partir de 2020. La carotte et le bâton. Inciter les propriétaires à faire des travaux à partir d’un diagnostic technique global, sinon pas de location ! Je suis très inquiet. Quand les gens sont au pied du mur et qu’il y a de l’argent à gagner, tous les prédateurs sortent du bois. Les syndics ont la pression et certains professionnels du bâtiment proposent leurs services à la va-vite, voire improvisent des devis. C’est d’ailleurs ce qui crée la défiance du citoyen et du propriétaire alors qu’il faut encourager l’inverse.

Dans la rénovation, l’enjeu est énorme. Soit le bâtiment a une réelle qualité architecturale et c’est un vrai défi de la conserver tout en diminuant sa consommation énergétique. Sans bousiller ses façades et son écriture architecturale. C’est le cas dans 25 % du parc immobilier. Les 80 % restants sont une occasion unique d’améliorer le cadre de vie de ce parc et de l’embellir. Des ensembles comme Route de la Reine à Boulogne-Billancourt ou encore les Hauts de Sèvres en sont la preuve. Si on rate cette requalification architecturale, il faudra attendre cinquante ans pour qu’elle se représente.

Propos recueillis par Josée Blanc Lapierre

Relever le défi

Cumulée à la hausse des prix de l’énergie, l’interdiction de vendre et de louer un logement énergivore a secoué le cocotier, de nombreux copropriétaires bailleurs se trouvent dans l’obligation de requalifier leur bien. D’où leur recherche frénétique de solutions, pour à la fois réduire la facture de chauffage et diminuer leur consommation énergétique sans perdre de vue le sens de la sobriété écologique.

Résidence de la Reine (92), copropriété des années 1950, une économie d’énergie de 55 % après isolation thermique des façades, lames brise-soleil motorisées et toit-terrasse végétalisé. 
Photo : Reezome

Depuis deux ans, la rénovation énergétique des grands ensembles connaît une croissance exponentielle. Elle est encouragée par des aides financières, mais celles-ci viennent d’être revues à la baisse : le dispositif MaPrimeRénov’ réduit d’un quart pour 2024 (4 milliards d’euros en 2024 sur 5 milliards prévus). Et pour aider les copropriétaires à devenir écoresponsables, les propositions de coaching foisonnent pour démêler les priorités de travaux de longue haleine et trouver son chemin dans la jungle de la bureaucratie. À Paris, cet accompagnement des copropriétaires est proposé, notamment, par l’APC, Agence parisienne du climat, un service public gratuit qui s’appuie sur la plateforme CoachCopro, un ensemble de conseillers et d’outils en ligne nécessaires à l’élaboration d’un projet. Avec 10 000 dossiers déjà ouverts, l’APC est en charge de presque un quart du parc parisien (47 000 copropriétés). Actuellement, les demandes affluent, jusqu’à 300 chaque mois, dont la moitié pour un diagnostic global.

« Un bâtiment a toujours besoin d’être entretenu et, dans leurs travaux d’entretien, nous disons aux copropriétaires d’anticiper les problèmes d’environnement pour ne pas, cinq ans après, regretter de ne pas avoir isolé les façades au moment du ravalement ou pensé à végétaliser la toiture », explique Frédéric Delhommeau, directeur de la rénovation et de l’habitat à l’APC. Le défi majeur avec les copropriétaires est d’arriver à les mettre d’accord et d’acter le besoin de travaux. C’est tout un travail en amont qui s’effectue en équipe, architecte et bureau d’études, afin d’évaluer dans quelle mesure l’immeuble a besoin d’une grande toilette. Les arguments ne manquent pas. Une valeur marchande gagnante grâce à un confort d’usage amélioré et des charges maîtrisées. Un nouveau look qui attirera le regard des voisins. Le meilleur des incitatifs.

« Dans le 12e place d’Aligre à Paris, quatre copropriétés se sont engagées les unes après les autres dans une rénovation globale. Avoir sous les yeux ce qui a été fait chez le voisin est le meilleur argument pour décider une copropriété à se lancer elle aussi. L’argument d’être pionnier ne marche pas très bien dans le monde des copropriétaires. C’est un public qu’il faut plutôt rassurer et auquel montrer ce qui est réalisable », souligne Cécile Gruber, directrice des transitions et de la communication à l’APC. Mais cela ne suffit pas, compte tenu de l’urgence à diviser par deux d’ici à 2050 la consommation énergétique du bâtiment, une réglementation est venue en renfort. Le classement de A à G des bâtiments selon leurs qualités énergivores assorti de l’interdiction de louer un appartement classé G de plus de 40 m2 à partir du 1er janvier 2025.

« À chaque étage, le ressenti des occupants n’est pas le même, celui du dernier sous les toits est obligé de fuir pendant la canicule, quant au bailleur qui n’habite pas l’immeuble, ce classement peut lui ouvrir les yeux sur la qualité de sa location », précise le directeur de la rénovation de l’APC. Comme les autres copropriétaires, le bailleur peut bénéficier d’une subvention de l’Anah, Agence nationale de l’habitat, qui, jusqu’à présent, revalorisait chaque année la « PrimeRénovCopro », dédiée aux copropriétés.

Copropriété Castagnary-Fizeau (Paris 15e), 80 logements, années 1970, ravalement avec isolation thermique par l’extérieur (façades, pignons), planchers hauts, double vitrage, ventilation mécanique contrôlée, conversion chaufferie fioul en gaz.
Gain énergétique de 63 %, très forte valeur architecturale. 
Photo : François Goulin, Agence parisienne du climat

À chaque immeuble sa solution thermique

Parmi les postes principaux, l’isolation de l’ensemble, façades rue et cour, pignons, toiture et planchers bas. C’est parfois difficile en façade, pour les immeubles haussmanniens en pierre de taille avec leurs décors architecturaux. Dans ce cas, les travaux se concentrent sur les pignons et les côtés cour souvent très dégradés et tiennent compte du matériau de construction, pans de bois, briques, plâtre parisien. Pour sa meilleure performance, l’isolation par l’extérieur est fortement recommandée : elle évite des travaux fractionnés étage par étage, elle permet d’agir à partir d’un ravalement et surtout supprime les ponts thermiques énergivores. Le plus souvent, la façade est recouverte d’un produit isolant auquel est ajouté un parement (laine de bois en plaques fixées sur la façade et par-dessus un traitement par enduit).

« Le choix des matériaux est très important. Nous favorisons les biosourcés et le minéral pour leur inertie et leur poids ainsi que pour leur “perspirance” qui améliore le confort en particulier l’été », souligne Frédéric Delhommeau. La toiture offre aussi plusieurs options. Le plus simple est de passer en dessous, par le grenier quand il est libre, et de poser l’isolant sur son plancher. Hélas, à Paris, beaucoup vivent sous les toits et sont à l’origine de l’excès de décès pendant les canicules. L’alternative est de passer par l’extérieur et de pratiquer le sarking : poser un second toit sur la toiture existante et glisser un isolant entre les deux. Autre possibilité, aménager une toiture-terrasse en la végétalisant ou en la couvrant de panneaux solaires.

« Une toiture-terrasse qui prend l’eau, on va l’isoler et en même temps améliorer son esthétique avec de la végétation tout comme une cour d’immeuble que l’on agrémentera d’un jardin et d’un rucher, l’idée est de donner de la valeur d’usage à tous ces petits espaces qui souvent ne sont pas utilisés », commente Cécile Gruber. Dans la foulée, il est important de se préoccuper de la ventilation et, si elle existe déjà, d’envisager comment l’optimiser. Arrive le tour des ouvrants et tout ce qu’il y a autour, qualité de la fenêtre et des occultants. Il existe toutes sortes de stores bannes très efficaces lors des chaleurs du mois d’août. « Une fois résolus l’isolation, les ouvrants et la ventilation, on a l’essentiel. La plupart du temps, nos réalisations CoachCopro vont au-delà de 30 % d’économie d’énergie. Et dans certains cas, elles atteignent les 50 % », conclut Frédéric Delhommeau.

Résidence les Hauts de Sèvres (92), 252 logements, après isolation thermique extérieure sous bardage ventilé, coffres des volets roulants intégrés, alimentation électrique collective et production solaire photovoltaïque sur 500 m² de toiture, un gain énergétique de 47 %.
Photo : Reezome

Une étiquette passée de E à C

Exemple avec le 20 rue d’Arcueil à Paris 14e, une copropriété des Trente Glorieuses de 170 logements qui, en 2015 dans le cadre de l’entretien du bâti, avait remplacé son ancienne chaufferie par deux chaudières à gaz à condensation (économie annuelle minimale garantie de 18 %) et toutes les lampes du parking par des LED (50 % d’économie). En 2017, candidate au programme « ÉcoRénovons Paris » pour bénéficier du soutien de l’APC, elle vote un audit énergétique avec mission MOE pour l’étanchéité des toitures-terrasses et du bâti. Un premier projet est défini avec consultation d’entreprises et la simulation de trois scénarios. Un plan de financement individuel est élaboré, il indique aussi le montant des subventions.

Deux ans après et trois assemblées générales plus tard, le dernier projet plus classique est voté à 70 % : isolation thermique des terrasses, façades, pignon, planchers bas, loge du gardien, ventilation (VMC), rééquilibrage des colonnes et remplacement des menuiseries. En prime, un système innovant de régulation qui pilote la chaufferie à partir des prévisions météo et de l’orientation du bâtiment. Et pour le suivi de la température intérieure en continu, 20 sondes sont installées dans les appartements. Deux ans de travaux pour un coût de 2 450 000 euros.

Résultat, la copropriété en deçà des 104 kWhep/m2/an a été requalifiée en « bâtiment basse consom­mation » (BBC rénovation), les émissions de CO2 sont passées de 40 à 22 kg/m2/an et son étiquette de E à C. Elle contribue largement à la lutte contre le dérèglement climatique avec une diminution des consommations de 55 % grâce à l’isolation et au changement de chaudière. Plus la possibilité de raccorder 40 véhicules électriques avec des aides de la ville. Avec une part de 15,9 % dans le parc immobilier, le logement social est tenu lui aussi de faire peau neuve.

Résidence Vouillé-Brancion (Paris 15e), 11 niveaux, 134 logements, rénovation complète des enveloppes, toitures et façades, ventilation mécanique contrôlée, désenfumage des paliers d’escaliers, production photovoltaïque, gestion des eaux pluviales, végétalisation des terrasses, plus de 50 % d’économie de chauffage par an.
Photo : Reezome  

Logements sociaux, 300 000 passoires thermiques

Selon l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols), 6 % du parc social, environ 300 000 logements, avaient une étiquette F ou G au 1er janvier 2022. La consommation énergétique mesurée par le DPE (diagnostic de performance énergétique) fait désormais partie des critères de décence d’un logement social. Un sacré défi financier pour les bailleurs. « Autour de 80 000 à 100 000 euros par logement, les réhabilitations qui nous attendent sont beaucoup plus lourdes, car on ne va pas démolir les bâtiments en raison du coût carbone.

On va refaire du patrimoine, presque comme du neuf », soulignait en 2020 Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH, Union sociale pour l’habitat. La Caisse des dépôts s’était montrée favorable à la demande de financement. Un challenge que relève Logirep, parmi les cinq plus gros bailleurs sociaux d’Île-de-France, dans le respect du développement durable. « Nous envisageons le bâtiment comme un puits de carbone, qu’il faut rénover avec des matériaux biosourcés, laine de roche, de chanvre, fibre de bois ; nous pratiquons une économie circulaire en réutilisant les matériaux que l’on dépose comme le béton ou la brique, les garde-corps sont réutilisés en clôtures et dans nos conceptions nous intégrons systématiquement une étude d’approvisionnement en énergies renouvelables », explique Paul Adam, responsable du renouvellement urbain et de la réhabilitation chez Logirep.

Avec 4 600 chantiers de rénovation en cours, parfois dans des quartiers difficiles et des jeunes en insertion imposés aux entreprises, le bailleur vise a minima l’étiquette C. Avec parfois de belles réussites comme la résidence Altmeyer à Bezons (Val-d’Oise) passée de E à B. Raccordés au réseau de chauffage urbain et désormais en approvisionnement collectif, les 169 logements ont réalisé un gain énergétique de 60 % à la faveur d’une rénovation globale (isolation par l’extérieur, menuiserie, toiture, étanchéité). Comme dans le privé, les locataires sont consultés et invités à pratiquer les gestes d’une sobriété énergétique devenue incontournable pour ne pas rater le virage de la transition énergétique.

Josée Blanc Lapierre

Enduit sur bardage ventilé pour la résidence des Mouettes

La résidence des Mouettes à Vaulx-en-Velin est une copropriété comme il y en existe des milliers en France. Typique des constructions des années 1980, composée de 101 logements, elle n’avait jusqu’alors jamais été rénovée. Initiée en 2019, la rénovation de l’ensemble s’est achevée en septembre de l’année dernière. Depuis, les habitants peuvent apprécier la nouvelle peau isolante et esthétique du bâtiment. L’essentiel de la réhabilitation a en effet consisté à la mise en œuvre d’un procédé d’isolation par l’extérieur et à un changement des menuiseries. À moyen terme, une seconde phase de travaux à l’intérieur de la résidence est prévue.

Photos : Knauf

L’une des originalités de l’opération réside dans le montage financier privé/public avantageux pour les habitants de ce quartier, Cervelières-Sauveteurs, peu favorisé, mais aidé par les programmes de renouvellement urbain. La rénovation s’inscrit notamment dans le dispositif local Écoréno’v de la métropole du Grand Lyon qui accompagne des travaux de rénovation proposés aux propriétaires de copropriétés, maisons individuelles ou aux bailleurs sociaux. Ainsi, 1,1 million d’euros ont été avancés sans frais à la copropriété pendant toute la durée du chantier. Cette aide exceptionnelle a évité aux copropriétaires de débourser le montant des subventions, la plupart d’entre eux n’en ayant pas les moyens financiers.

Au final, les travaux de rénovation énergétique d’un montant de 1,6 million d’euros ont été financés par des subventions publiques réparties entre l’Anah et la métropole lyonnaise, soit par 1,3 million d’euros. Ainsi, les 101 copropriétaires, dont 70 % de propriétaires occupants, ne se sont acquittés que de 16 % du montant global des travaux, soit une somme moyenne de 2 000 euros TTC par foyer. Une opération exemplaire que les autorités locales souhaiteraient voir se multiplier.

Photos : Knauf

Plaque de ciment renforcé de fibres verre support d’enduit

L’autre originalité du projet tient dans le procédé d’isolation thermique par l’extérieur utilisé. Ici, la mise en œuvre d’un système sous enduit de type Etics était difficilement envisageable. L’architecture singulière de la résidence, caractérisée par de nombreux décrochés en façade et un support béton décoratif profondément matricé, aurait rendu complexe l’application d’un tel système. Pour autant, il n’était pas question d’isoler par l’intérieur. D’où le recours par la maîtrise d’œuvre à un système de bardage ventilé support d’enduit Aquapanel Outdoor de Knauf. Lequel répond dans cette configuration à l’ensemble des problématiques posées, techniques et esthétiques.

Bardage ventilé support d’enduit

Sur le plan technique, la plaque de support d’enduit se distingue par sa composition. En ciment renforcé par un treillis de fibres de verre traité contre les alcalis, classée Q4, elle offre une résistance exceptionnelle aux dégradations et aux chocs, garantissant une façade durable et pérenne, y compris au niveau rue. Concrètement, les plaques sont fixées devant l’isolant en ménageant une lame d’air, sur ossatures métalliques secondaires. Sur le plan du design, elles ont contribué à moderniser l’esthétique du bâtiment en créant des surfaces planes et continues, notamment au niveau des allèges de fenêtres. Idem avec la finition. Le choix d’un enduit tramé et taloché a ajouté une touche contemporaine à l’enveloppe du bâtiment. Pour ce projet, le fabricant a accompagné la maîtrise d’œuvre et l’entreprise dès la phase d’étude de façon à anticiper le traitement des détails techniques et les questions du bureau de contrôle.

Photos : Knauf

Concernant les points singuliers, les plus complexes à traiter se trouvaient au niveau des encadrements de fenêtre : angles arrondis avec un petit décroché sur la partie avant et appuis de fenêtre en pente avec une très forte inclinaison. Ces détails ont nécessité des études poussées pour éviter les infiltrations et les éventuels désordres après travaux. Un prototype a d’ailleurs été réalisé sur place pour trouver des solutions techniques adaptées.

Stéphane Miget

  • Maîtrise d’ouvrage : SCI les Mouettes, Régie Lionrose
  • Maîtrise d’œuvre : Georgia Hadjipanayi architecte, Creor Sarl
  • Entreprise de pose : Champagne Façades

Le renouveau des Grandes Cités Tase

« Créer du nouveau dans le respect de l’ancien » : tel est le credo de Manuela Certan et de Jean-Baptiste Dansette, tous deux architectes de l’agence lyonnaise AA Group, mandataires du projet de rénovation énergétique des Grandes Cités Tase à Vaulx-en-Velin (69). Centenaires, elles ont abrité au 20e siècle les ouvriers de la plus grande usine française de soie artificielle, l’usine Tase (Textile artificiel du Sud-Est), et comptent 12 bâtiments avec des jardins en commun. Un patrimoine unique, situé dans un environnement chargé d’histoire. L’ensemble du projet a d’ailleurs été pensé en lien avec les architectes des bâtiments de France (ABF) et un architecte du patrimoine, Archipat. Labellisée « Patrimoine du 20e siècle » en 2003, la cité ouvrière est en effet protégée depuis l’inscription de la façade de l’usine Tase aux Monuments historiques en 2011, ainsi que par un périmètre d’intérêt patrimonial pour les bâtiments des Grandes Cités Tase en 2019.
Le projet de réhabilitation est donc réalisé sous l’égide des ABF. Cette réhabilitation s’inscrit également dans le projet urbain du Carré de Soie, qui doit signer à terme la transformation d’un territoire de 500 hectares, situé à cheval sur les communes de Villeurbanne et de Vaulx-en-Velin.

Photo : AA Group

Budget exceptionnel

Dans sa communication, le maître d’ouvrage, Sollar, filiale du groupe 1001 Vies Habitat, explique que « les objectifs de cette réhabilitation sont de restaurer les couleurs et décors d’origine, de redonner leur place aux jardins… pour continuer à faire vivre l’esprit des lieux tout en offrant un cadre de vie moderne aux locataires ». Car évidemment, le confort des locataires, dont la moyenne d’âge est élevée, est au centre de cette rénovation d’ampleur, dont le budget est exceptionnel, 126 000 euros TTC par logement. Le coût total du projet est estimé à environ 26,1 millions d’euros TTC de travaux, dont 22,88 millions d’euros financés par Sollar, 2,07 millions financés par l’État dans le cadre du Plan de relance et 1,15 million d’euros financés par la métropole de Lyon dans le cadre du dispositif Écoréno’v, dont l’objectif est d’accélérer la rénovation énergétique des logements sur le territoire. « Le maître d’ouvrage a été très attentif à la durabilité du projet avec beaucoup d’implication pour trouver les financements nécessaires », se souvient Manuela Certan.

Illustration : Éloïse Guennou

Retrouver le caractère patrimonial

Au programme de cette rénovation aux multiples enjeux, le passage d’une étiquette E à C pour l’ensemble des logements. « Un objectif adapté aux contraintes patrimoniales », explique Manuela Certan. Mais cette réhabilitation énergétique doit aussi mettre en valeur les qualités patrimoniales des Grandes Cités Tase qui, lors de leur rachat par Sollar en 1981, avaient déjà fait l’objet d’une réhabilitation : « À l’époque, explique Jean-Baptiste Dansette, le maître d’ouvrage a complètement repensé l’agencement des appartements qui n’était plus adapté, certains avaient encore les WC sur le palier. » Une première rénovation des façades avec la mise en œuvre d’une isolation thermique par l’extérieur 6 cm de polystyrène sous enduit avait également été réalisée, cette dernière ayant mis à mal les qualités patrimoniales des bâtiments, d’où la nécessité de les retrouver aujourd’hui. Autre enjeu d’importance : l’accessibilité et la mise aux normes PMR.

 

C’est donc tout un travail de recherche qu’ont réalisé les architectes pour restaurer le soubassement d’origine, les enduits anciens, les persiennes métalliques du RDC ou encore pour mettre en valeur les débords de toiture (forjets). Soit enlever l’isolant en partie haute au niveau des greniers et rénover les pièces de bois abîmées. Sachant que le système d’ITE existant, encore en bon état, a été conservé, seuls les enduits ont été refaits pour restituer le décor d’origine. Des sondages et des prototypes ont été réalisés pour retrouver les bonnes couleurs. Les travaux d’amélioration thermique ont porté principalement sur le remplacement des fenêtres (double vitrage bois à la française), le remplacement des portes palières, l’isolation des combles et des plafonds des caves et, pour les équipements techniques, le remplacement des chaudières gaz, de la VMC et la mise en place de robinets thermostatiques sur les radiateurs. Et confort d’été oblige, des brise-soleil orientables ont été mis en place dans les étages et des persiennes en RDC. Avec ces travaux, le gain pour chaque type de bâtiments (3 au total) est de 50 % en moyenne.

L’amélioration du confort des habitants passe également par la création de cages d’ascenseur, de coursives et d’espaces extérieurs. Les façades historiques sont respectées, mais l’ensemble de ces nouveaux espaces est traité par l’extérieur avec une structure métallique. Suivant la typologie des immeubles, des terrasses et loggias sont aménagées. Pour les locataires concernés, c’est une vraie valeur ajoutée. Pendant toute la durée des travaux qui se déroulent en site occupé, les locataires peuvent s’appuyer sur la Maison du projet, animée par Récipro-Cité, avec un espace dédié pour les accueillir. Deux appartements de courtoisie ont également été aménagés et mis à disposition.

Stéphane Miget

Créer la cité-jardin du 21e siècle

Redonner de l’attractivité aux Grandes Cités Tase, renouer les liens avec son passé et générer une dynamique positive dans un quartier parfois difficile, voilà également l’objectif de cette rénovation. Pour y répondre, les espaces extérieurs existants sont totalement repensés. Cela inclut de :

  • Retrouver les grands axes paysagers du projet historique ; 
  • Retravailler la différenciation des espaces entre public et privé ;
  • Proposer des vues traversantes vers les jardins au cœur de l’îlot ; 
  • Résidentialiser les jardins en sécurisant le site avec des clôtures patrimoniales.
Photo : AA Group

Cet article est extrait du magazine 5Façades 165 disponible sur Calameo.