Plan en éventail, toitures en pente coiffant 22 entités, façade revêtue d’une peau de tuiles engobées sur mesure : le nouveau campus Deloitte Emea, situé en Seine et Marne, se déploie dans toute sa singularité.

Inséré dans le paysage, le campus s’inscrit dans une démarche environnementale : utilisation de matériaux durables comme le bois et la tuile terre cuite ; recours aux énergies renouvelables, installation de points d’eau et d’espaces végétalisés pour favoriser la biodiversité.
Photos : Michel Denancé

C’est dans la ZAC des Deux-Golfs de Bailly-Romainvilliers (77) que le géant américain du conseil aux entreprises, Deloitte Emea (Europe, Moyen-Orient, Afrique), a choisi d’installer son campus européen de formation et de conférence. À deux pas de la gare TGV de Chessy-Marne la Vallée, non loin de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, la parcelle de 15 hectares est idéalement située. Un projet confié en partenariat au cabinet Dubuisson Architecture et au promoteur Nexity. La spécificité de ce programme vient de sa grande diversité de fonctions, toutes regroupées au sein d’un unique bâtiment, desservi par une grande et lumineuse rue intérieure coiffée d’une toiture ajourée. Le projet vise l’excellence en termes de performances environnementales (enveloppe, production d’énergie, etc.). Pour les architectes, le principal enjeu était de réussir l’intégration dans le site et dans la nature environnante de ce campus de 23 300 m2, comprenant 22 corps de bâtiment reliés, pour la plupart, à la rue intérieure. « Il s’agissait également, expliquent ces derniers, d’arriver à transformer l’imaginaire pavillonnaire des alentours, pour en faire un lieu à la fois institutionnel et accueillant. » L’ensemble est, en effet, dissimulé derrière une zone de pavillons sans âme qui, construite dans les années 1990/2000, pastiche l’architecture vernaculaire d’Ile-de-France – le parc Disney n’est pas loin…

 Le programme, de type R + 1 à R + 2 avec combles, regroupe une grande salle multifonctionnelle, des salles de formation, 265 logements et un restaurant. Les toitures à deux, quatre, cinq ou six pans sont, comme les façades, habillées de tuiles plates.
Le calepinage aléatoire des tuiles colorées est effectué sur place par les couvreurs. Pour leur faciliter la tâche, l’industriel livre des palettes différenciées sur chantier.

Tuile intemporelle

Leur choix s’est donc porté sur une architecture contextuelle, « avec une échelle ramenée à la hauteur des constructions environnantes et des bâtiments disposés en éventail, tous ouverts sur la verdure des greens ». Mais ici, pas question de pastiche. Les bâtiments avec toiture à pente reprennent, certes, certains codes régionaux des fermes et grands domaines agricoles, mais en les réinterprétant. Une typologie qui apporte une forte horizontalité et optimise les vues, avec des pignons protégés très ouverts sur l’extérieur via de grandes façades rideaux vitrées. La disposition en éventail permettant aussi d’intégrer plus facilement d’éventuelles extensions. Cette adéquation avec l’environnement passe par les toitures à pente et par le matériau de couverture utilisé, à savoir la tuile terre cuite. Intemporelle, elle présente l’avantage « d’évoquer une architecture résidentielle avenante et familière », soulignent les architectes. Sachant qu’ici, les tuiles habillent l’ensemble des couvertures et se prolongent en façade. Et, pour parfaire l’intégration au site, elles se déclinent en quatre nuances de gris. C’est Edilians, industriel français de la tuile terre cuite, qui a fourni les 15 000 m² nécessaires : 7 000 m² en toiture et 8 000 m² en façade. « Un projet hors normes de 1 200 tonnes de tuiles », résume Éric Lebeau, directeur national de la prescription chez Edilians.

Une peau parfaitement tendue

De fait, le fabricant a mis ici tout son savoir-faire au service des architectes, lesquels voulaient, entre autres exigences, déployer en façade une peau continue à la finition lisse, de la manière la plus homogène possible, sachant que la solution et les couleurs retenues devaient être identiques en façade et en couverture. « Cette demande, précise Éric Lebeau, excluait, de fait, tous les produits à grand pureau plat, dont l’effet “écaille”, beaucoup trop prononcé, risquait de rompre l’aspect fluide souhaité. » D’où l’option de la tuile Stretto Huguenot, fabriquée sur le site de Saint-Germer-de-Fly (60), à moins de 150 km du chantier. Une tuile plate de 26,5 x 37 cm qui, comme l’exigeait le cahier des charges des architectes, permet une diffusion harmonieuse du coloris. Outre ses qualités esthétiques, elle bénéficie d’un système d’étanchéité breveté, qui rend possible une pose sur des pentes de moins de 70 % jusqu’à 40 %. « Ce modèle possède un agrément faible pente, avec un système d’écoulement d’eau spécifique », précise Éric Lebeau. Important ici, dans la mesure où une tuile plate classique n’aurait pu convenir sur ce programme, toutes les toitures présentant une géométrie hors normes ainsi que, pour la plupart, des pentes inférieures au seuil de 70 %.

Edilians bénéficie d’une Appréciation technique d’expérimentation du CSTB (Atex) pour la tuile Stretto Huguenot. Son caractère innovant réside dans son design qui a été étudié pour améliorer les performances d’étanchéité à l’eau.

Teintes sur mesure

Il convenait également de préserver l’harmonie visuelle souhaitée par les architectes. Pour une intégration totale et invisible aux pans de couverture, de nombreux accessoires spécifiques – demi-tuiles, tuiles doublis de faîtage, tuiles de ventilation, membrons pour la liaison entre toiture et façade – ont été développés dans les mêmes coloris. De même, l’écoulement des eaux de pluie a été pensé de manière qu’il soit le plus discret possible. Reste le travail sur les teintes des tuiles. Maîtrisant parfaitement les techniques de fabrication, les techniciens de chez Edilians ont associé différentes nuances qu’il utilisent habituellement – argentique, gris quartz, anthracite et gris sérac – pour mettre au point, en accord avec la maîtrise d’œuvre, quatre coloris sur lesquels a été appliqué ensuite un poudrage spécial. Durant six mois, Dubuisson Architecture et Edilians ont discuté et mené des tests pour concevoir ces couleurs sur mesure. Mais ce projet n’aurait rien été sans la compétence du couvreur – l’entreprise Raimond, en l’occurrence – qui a réalisé le panachage des coloris au fur et à mesure de l’avancement du chantier. Les détails et points singuliers ont été traités avec la même attention, répondant ainsi à la demande des architectes : une peau tendue, tout en nuance de gris.

Stéphane Miget


Maîtrise d’ouvrage :

  • Deloitte Emea – promoteur : Nexity
  • Maîtrise d’œuvre : Dubuisson Architecture
  • BE façade : Arcora
  • Entreprise générale : Besix
  • Couvreur : Entreprise Raimond SAS

 

Ces articles sont extraits de 5Façades 156, découvrez le numéro en intégralité sur la plateforme Calameo.com