Dôme du Grand Palais, pyramide du Louvre, gare de Bordeaux… Ces édifices arborent des coiffes transparentes que l’homme, par son sens esthétique, a érigées au rang de chefs-d’œuvre. Apportant protection et confort, ces verrières continuent aujourd’hui de s’adapter aux nouveaux besoins. Avec des techniques et des matériaux de plus en plus performants, elles sont à la hauteur des engagements climatiques : réchauffement, sobriété énergétique et économique.

Parmi les pionnières, les orangeries (vastes serres) sont nées de la nécessité de protéger les agrumes et les arbustes en hiver. L’idée fait son chemin, les ruelles étroites deviennent des passages couverts, abritant ainsi les flâneurs (passage Vivienne à Paris). L’électricité n’existe pas encore, la verrière pénètre dans les grands magasins et offre à la clientèle cette lumière particulière, recherchée par les artistes peintres.

Une lumière magnifiée sous les rotondes parées d’or et à travers les vitraux des cathédrales. Plus sobre mais tout aussi audacieuse, la verrière assure le confort des voyageurs le long des quais de gare. Puis elle s’industrialise et s’invite dans les hangars, halls et bureaux, en quête d’espaces nouveaux. La verrière, une question de point de vue.

L’un des deux sas de la verrière de l’hôtel La Fantaisie (Paris) ouvrant sur un jardin de 200 m².
Photo : Josée Blanc Lapierre

Jardin avec vue

Pour mettre en valeur son jardin et en faire un atout dans ce quartier commerçant de la capitale (9e arrondissement), l’hôtel 5 étoiles La Fantaisie a mis les petits plats dans les grands : il lui a offert une verrière. Soit une immense scène vitrée qui agrandit la salle de restaurant d’un tiers et s’ouvre sur un spectacle de verdure, hortensias et lauriers roses, agrémenté de petits salons de jardin : « Grâce à cet élément d’une grande transparence, nous avons voulu créer du lien, entre le restaurant et le jardin, mais aussi ouvrir la vue sur cet espace de verdure depuis l’entrée », explique Laurent Thierry, architecte chez Petitdidier Prioux Architectes. Contemporaine, revisitée Art nouveau, la verrière s’harmonise avec la trame atelier de la façade et ses profilés tous les 60-70 cm en zinc couleur vert lichen.

Deux sas en verre bombé sont surmontés d’une casquette débordante inspirée du métro parisien. Les verres isolants pourvus d’une couche de contrôle solaire ont des performances différentes : « C’était un enjeu important et ils ont nécessité des calculs de contraintes particuliers. En façade, la transmission lumineuse est de 75 %, le facteur solaire de 40 ; en couverture le rapport devient 60 pour la transmission lumineuse, 25 ou 30 pour le facteur solaire, afin de limiter les apports en été », détaille Gautier Bonhomme du bureau d’études VS-A. Les profilés à rupture de pont thermique complètent le vitrage isolant de la verrière de 3 m de haut : « Ici, la façade est au nord, en cœur d’îlot entouré de bâtiments R+5, R+6. Après une étude de l’ensoleillement, il s’avère que la verrière est exposée en plein soleil sur une courte période, entre midi et 14 h, en particulier au mois d’août. Elle est donc peu impactée par le risque d’échauffement, ce qui a orienté notre choix. » L’une des priorités aujourd’hui est la capacité d’une verrière à résister aux canicules.

Les toits du château forment un cocon qui protège la verrière et améliore ses performances thermiques.
Photo : SAP photographie

Une ventilation naturelle

C’est le spécialiste des serres, rompu aux techniques bioclimatiques, qui en parle le mieux : « Notre spécificité est d’avoir adapté nos techniques de ventilation naturelle, que l’on pratique dans les serres depuis soixante ans, aux verrières contemporaines », selon Philippe Quesne de CMF Groupe, qui voit son carnet de commandes grossir à vue d’œil : « Les verrières sont un formidable outil pour la transition énergétique. Grâce à elles, pas de climatisation et du chauffage seulement dans 80 % des cas, surtout si le vitrage présente une isolation de bonne qualité ». En effet, pendant la journée, les températures les plus froides ont lieu par temps clair et la verrière récupère l’énergie du soleil. Ce que craint le plus cette couverture vitrée, c’est l’échauffement du bâtiment la moitié de l’année, d’avril à octobre. Hors de question de climatiser des volumes aussi grands, d’autant qu’il y a beaucoup mieux avec la ventilation naturelle. Le principe est simple, il repose sur des châssis à crémaillère dotés d’un moteur électrique.

Vue du dessus, la « résille » donne un aspect de coussin à la verrière légèrement bombée, avec une flèche de moins de 2 m pour ne pas masquer les vis-à-vis.
Photo : SAP photographie
 Fabriqué en Vénétie, le système de filtres à motifs sérigraphiés dans le verre permet d’absorber 25 % de lumière et de chaleur.
Photo : Florent Charruel
À 11 m de hauteur, le Ciel lexical, symbole de la francophonie dans le monde : une centaine de mots francophones avec des lettres de 4 kg chacune sont accrochés sur des rails en alu, suspendus à la jonction des poutraisons portant les panneaux vitrés de la verrière.
Photo : Florent Charruel

Gros atout pour CMF : la possibilité d’obtenir sous ces verrières de grande longueur, une ventilation plus efficace, contrairement aux ouvrants individuels. Démonstration à l’Autre Soie à Villeurbanne, un ensemble locatif et culturel solidaire, où une verrière centrale, équipée de larges châssis, abrite un espace convivial et de restauration : « J’y suis allé cet été, il faisait 34 °C à l’extérieur, 27 °C sous la verrière, ça m’a bluffé ! » La nuit, la verrière ouvre en grand ses châssis et se remplit d’air frais pour la journée qui s’annonce. C’est aussi une « climatisation » naturelle, avec des ouvrants en couverture et en façade, qui assure le même confort aux chercheurs de l’INES, l’Institut national de l’énergie solaire en Savoie, dans des bâtiments thermodynamiques avec verrière et bureaux périphériques.

À 11 m de hauteur, le Ciel lexical, symbole de la francophonie dans le monde : une centaine de mots francophones avec des lettres de 4 kg chacune sont accrochés sur des rails en alu, suspendus à la jonction des poutraisons portant les panneaux vitrés de la verrière.
Photo : Florent Charruel

Des verres à contrôle solaire

Les performances de ventilation naturelle doivent beaucoup aussi à l’isolation de la verrière : « Le vitrage à faible facteur solaire a la capacité de bloquer une grande partie des infrarouges qui provoquent l’échauffement ; plus on fait barrage aux infrarouges, moins on laisse passer de lumière », rappelle Philippe Quesne. Tout dépend de la destination du bâtiment.

Au-dessus des bureaux, il est préférable de baisser le taux lumineux et d’augmenter le facteur solaire. Le siège de Patriarche Architecte au Bourget-du-Lac (Savoie) présente un patio central couvert d’une verrière avec aération. Ce dernier était prévu à l’origine pour être un espace convivial : « Aujourd’hui, il leur arrive d’y travailler et d’en faire leur salle de plans. Même en hiver ou quand il pleut, l’espace reste confortable, donnant l’impression d’être à l’abri tout en étant dehors avec le ciel pour témoin. On est de plus en plus consultés pour ce genre d’aménagement qui améliore les conditions de confort au travail », souligne le technico-commercial de CMF.

 

Verrière en ETFE du Polygone, centre commercial de Montpellier (34) : la membrane translucide de 120 m de long sur 20 m de hauteur est insensible aux ultraviolets.
Photo : Arcora

Ces verrières bioclimatiques présentent aussi la possibilité de chauffage : l’idée est d’utiliser l’échauffement des parois vitrées dans un volume tampon à l’aide d’une pompe à chaleur. Dans un immeuble de Sainte-Croix (Suisse) situé à 1 000 m d’altitude, des châssis d’aération sur toutes les façades récupèrent ainsi la chaleur qui sert ensuite à chauffer les logements. Quand il fait -10 °C à l’extérieur, les habitants admirent les montagnes, au chaud derrière leurs baies vitrées.

Mais il n’y a pas que le verre pour laisser pénétrer le soleil et la lumière naturelle. Pietro Demontis, de la société d’ingénierie Arcora, rappelle qu’il existe une alternative au verre, moins lourde et beaucoup moins chère, le ETFE (éthylène-tétrafluoroéthylène). Cette membrane textile, qui offre souplesse et transparence, se présente sous la forme de coussins gonflés d’air avec un espace au milieu et dont la pression doit être maintenue : « C’est une variante économique très intéressante, ses performances sont très proches de celles du verre et idéales pour faire face aux contraintes de CO2 à ne pas dépasser. »

Sobriété toujours, la tendance aujourd’hui est de garder l’existant dans les rénovations « et non, comme il y a vingt ans, de tout mettre à la benne ! » selon l’ingénieur chez Arcora. Dans la réhabilitation de l’immeuble de bureaux Fresk, le bâtiment a été désossé et habillé d’enveloppes plus performantes. La structure en acier ayant été conservée telle quelle, le poids de la nouvelle verrière devait être identique à celui de l’ancienne. Des contraintes qui n’avaient pas cours à l’époque des grands monuments.

Le Fresk, immeuble de bureaux réhabilité, Paris 15e : les anciens vitrages ont été remplacés par une nappe de profilés drainants en aluminium, supportant de simples vitrages à contrôle solaire.
Photo : Arcora

Les verrières historiques new look

 

La célèbre verrière 1900 du Grand Palais est en plein lifting pour retrouver sa transparence d’antan et accueillir, sous son immense nef, les épreuves olympiques et paralympiques d’escrime et de taekwondo en 2024. Nouveau look également depuis 2021 pour le Jardin d’hiver de l’ÉLysée, maquillé aux couleurs de la République sous une verrière tricolore signée Daniel Buren. En revanche, celle de la Cité internationale de la langue française, inaugurée en octobre 2023, a été échafaudée lors de la rénovation du château de Villers-Cotterêts dans l’Aisne.

Son but : créer un nouvel espace au-dessus de la cour du Jeu de Paume, point central d’où partent les salles d’exposition, l’accueil, la billetterie, le restaurant : « Cette cour est un espace de distribution. Étant à ciel ouvert et, en Picardie, où la météo n’est pas toujours favorable, le besoin s’est fait sentir de couvrir ce volume stratégique », explique Olivier Weets, architecte des Monuments historiques. De bonnes raisons pour justifier un projet contemporain, qui était loin d’être évident dans de l’ancien : « Il fallait une structure assez neutre, une géométrie pas trop prégnante et un volume qui ne compromette pas la lecture des façades. On a donc implanté la verrière juste au-dessus du cordon qui court sous la corniche des bâtiments qui l’entourent. »

Vue du dessus, la verrière de 600 m2 devait être la plus fine possible pour ne pas masquer la perspective des ailes les unes vis-à-vis des autres : « D’où sa miroiterie en forme de coussins qui donnent l’aspect d’une résille légèrement bombée et des poutraisons uniformes qui portent des verres sérigraphiés pour renvoyer une partie de la lumière et éviter un échauffement vers l’intérieur. » À la clé, un gros travail de géométrie pour installer 60 t de matériaux à 11 m de hauteur sur un bâti du 17e siècle, donc loin d’être tiré au cordeau !

D’où l’originalité d’une verrière « autoportante ou autostable », de manière à ne pas transmettre d’efforts latéraux aux planchers ni aux maçonneries anciennes qui l’encadrent : « Pour cela, on a créé une ceinture périphérique tenue par six tirants qui permettent de reprendre les poussées latérales, la verrière ne devant transmettre que des charges verticales. » L’architecte des Monuments historiques a ensuite passé le relais à l’agence Projectiles, qui a eu l’idée de suspendre un mot à chaque jonction de poutres et de réaliser un « ciel lexical », symbole de la francophonie dans le monde. 

Josée Blanc Lapierre

Cet article est extrait du magazine 5Façades 164 disponible sur Calameo.