Photo : Batijournal

Avec pour thématique « la construction biosourcée pour bâtir un avenir », le 12e Forum international bois construction (FBC 2023) s’est tenu à Lille Grand Palais, les 12, 13 et 14 avril 2023. Un rendez-vous annuel riche en retours d’expérience. Le plateau Batijournal y était et a donné la parole à Myriem Guedouar, manager et directrice technique du bureau d’études façade VS-A, qui a expliqué le risque de blocage de créativité lié à l’application du DTU 34.1 Façades à ossature bois.

Quelles sont les activités de VS-A ?

 

Myriem Guedouar – VS-A est un bureau d’études enveloppe âgé d’une trentaine d’années. Il possède trois agences dans le monde : une à Lille (59) qui couvre l’Europe et l’Afrique du Nord, et deux en Asie. Nous intervenons sur des projets architecturaux d’enveloppe façade et couverture avec des identités singulières à petite et grande échelles.

 Mise en place d’un module pour façade filante avec appuis multiples, selon les préconisations du DTU 34.1 – Lot M10/C ZAC Paris Rive Gauche / Béal & Blanckaert architectes / BE VS-A / Entreprise Kyotec.
Photo : VS-A

 

 

Les façades à ossature bois se sont beaucoup développées ces dernières années, mais vous dites être un peu bloquée dans votre créativité. Pourquoi ?

 

La réglementation sur la construction bois et la façade bois a évolué ces dernières années. Avant 2020, nous n’avions pas ou peu de référentiels. Ce qui permettait d’imaginer beaucoup de choses, mais il était nécessaire de passer par des systèmes d’Atex (Appréciation technique d’expérimentation, ndlr). La mise en place, en mai 2020, du DTU 31.4 « Façades à ossature bois (FOB)1 », nous a fourni un cadre précis pour concevoir ces façades. Ce DTU encadre les systèmes de façade bois qui ne participent pas à la stabilité structurelle du bâtiment. C’est en quelque sorte l’équivalent du DTU 33.1 « Façades rideaux », mais dédié aux façades à ossature bois. Il est intéressant, puisqu’il nous donne la possibilité de travailler. En revanche, il définit de manière intrinsèque, par les prescriptions constructives qu’il donne, une forme de typologie unique qui ne permet pas, ou très peu, aux projets d’architecture bois de s’écrire.

Solution menuiserie et précadres bois sur allège béton – Créteil Valophis / Michel Ferranet architectes / BE VS-A / Billiet Menuiserie.
Photo : Hervé Abbadie

Qu’est-ce qui bloque selon vous ?

Dans un premier temps, pour travailler sur des bâtiments qui font 28 m de haut, la solution définie dans le DTU, ce sont des systèmes de panneaux opaques qui sont fixés au niveau des planchers et font une hauteur d’étage. Ce qui s’avère contraignant. À cela s’ajoutent des contraintes en matière de transport routier qui, si l’on souhaite rentrer dans des gabarits standard, limitent les hauteurs de façade à 3,20 m. Si c’est compatible avec du bâtiment de logements, cela devient plus compliqué avec des bâtiments de bureaux, lesquels nécessitent davantage de hauteur pour le passage des fluides ou des réseaux techniques. Second point qui constitue un frein pour nous, c’est le recoupement demandé dans le DTU 34.1 au niveau de chaque plancher, ce qui dessine en quelque sorte la façade. En effet, il y a une interruption de la vêture qui se lit en façade. C’est exacerbé par les essais de laboratoire qui viennent compléter l’IT2492 sur les problématiques feu de la façade bois. Et la dernière chose, c’est la façon dont le DTU s’intéresse à la baie. Lorsqu’on lit les textes, on s’aperçoit que celle-ci est de petite taille et centrée. On a presque l’impression que c’est un accident, une exception dans la façade. Alors que les projets sur lesquels nous intervenons, présentent la plupart du temps des surfaces vitrées importantes. Et donc, comment fait-on pour intégrer ces menuiseries à la façade ?

Donc, ces contraintes sont un obstacle, en quelque sorte, à l’expression architecturale et à votre capacité, en temps que bureau d’études, à proposer des façades exceptionnelles. Comment faites-vous pour le contourner ?

 

Nous développons des solutions au cas par cas, en fonction des projets. Prenons l’exemple des systèmes de châssis en bande sur allège : au lieu de répondre à un système de façade complet avec des panneaux qui intègrent les menuiseries et les parties opaques, nous essayons, si c’est possible bien sûr, de travailler en lots séparés : un lot menuiserie extérieure et un lot façade ossature bois. De cette manière, les entreprises d’ossature bois qui n’ont pas forcément de compétences en menuiserie extérieure peuvent vraiment faire ce qu’elles savent faire, et le faire bien ! Cela permet également de retrouver des panneaux de plus petites dimensions, facilitant d’autant le transport. Concrètement, nous rapportons des systèmes de panneaux ossature bois uniquement en allège, sur lesquels nous posons les menuiseries en bande par exemple, avec des libres dilatations entre ces ouvrages. Ces éléments d’ossature bois sont fixés devant les planchers, et les efforts au vent peuvent être repris par des poteaux lorsqu’on en a.

 Solution précadre en ossature bois – Quetigny (21) / OP-EN architecte / BE VS-A / Entreprise Lorillard.
Photo : VSA

L’idée est donc que la valeur ajoutée aille à l’entreprise d’ossature bois, et pas uniquement à la menuiserie.

 

Exactement. On constate que la façade, c’est un métier. On a du mal à trouver des professionnels qui font à la fois de l’ossature bois et de la façade. Qui plus est, sur certaines tailles de bâtiments, nous arrivons vite à des temps d’occupation de bureaux d’études et d’atelier importants, mais sur des délais courts. Comment les entreprises parviennent-elles à travailler avec ces contraintes ? Ce n’est pas toujours évident. Ensuite, il y a une problématique de parts de marché. Je m’explique : sur des projets de façades largement vitrées, si nous répondons avec des systèmes de panneaux intégrant parties opaques et parties vitrées, la part de marché de la menuiserie peut être, en fin de compte, plus importante que celle de la façade ossature bois. Dans ces conditions, comment cette dernière parvient-elle à vivre ? Ce n’est pas évident non plus…

  Fusion de la structure et de la façade – IGN II Météo France –
Saint Mandé (94) / Architecture Patrick Mauger / BE VS-A / Entreprise Bluntzer.
Photo : Michel Denance
  Fusion de la structure et de la façade – IGN II Météo France –
Saint Mandé (94) / Architecture Patrick Mauger / BE VS-A / Entreprise Bluntzer.
Photo : Michel Denance

Quelque chose à ajouter sur ces problématiques façades à ossature bois ?

Je pense qu’il y a énormément d’intervenants très motivés par ces défis, nous les premiers. Avec cette motivation générale, nous devrions réussir à bouger les lignes, et nous espérons vraiment que les essais menés par les acteurs de la filière sur les assemblages, les colles, les matériaux, les nouveaux produits de construction… vont faire avancer le métier, car il y a de belles choses à réaliser.

Propos recueillis par Stéphane Miget

Cet article est extrait du magazine 5Façades 160 disponible sur Calameo