Peu à peu, Adoma transforme ses foyers de jeunes travailleurs en résidences sociales. À Boulogne-Billancourt, la réhabilitation conduite par l’agence Croixmariebourdon vise à métamorphoser les chambres sans cuisine ni sanitaires en véritables petits logements. Les gradins et les enduits sur ITE des façades évoquent l’architecture de béton des années 1930, particulièrement présente dans cette commune des Hauts-de-Seine.

Photo : Takuji Shimmura

Mallet-Stevens, Pingusson, Patout, Le Corbusier… Durant l’entre-deux-guerres, les meilleurs architectes français ont construit des immeubles collectifs et des hôtels particuliers à Boulogne-Billancourt. Rue Victor-Griffelhues, les retraits successifs, la faille de l’escalier, les ouvertures horizontales, les menuiseries anthracites et les grands aplats de blanc donnent l’illusion d’un bâtiment imaginé durant la première moitié du 20e siècle. « Nous sommes à Boulogne, mais nous n’avions pas pour objectif de dessiner un immeuble des années 1930, tempère Thomas Bourdon, cofondateur de Croixmariebourdon. Il s’agissait de créer une résidence familiale boulonnaise comme les autres. Le dessin des baies, les enduits, la simplicité allaient dans le sens de la pertinence. »

Façade sur la rue Victor-Guiffelhues.
Photo : Takuji Shimmura

À l’intérieur comme à l’extérieur, les architectes n’en ont pas moins bouleversé la physionomie de l’immeuble : « La vie était tellement misérable dans le foyer de jeunes travailleurs qu’il fallait raconter une nouvelle histoire, socialement et politiquement. » Les profils des occupants se sont également diversifiés. Ce ne sont plus seulement des hommes, mais des femmes, des personnes âgées, des jeunes et des familles monoparentales qui habitent la résidence. En remplacement des chambres individuelles sans eau courante, les architectes ont créé des studios avec kitchenette et salle de bains. Environ un quart d’entre eux, plus grands que les autres, ont été dotés d’un coin nuit pour les enfants en bas âge.

24 versus 45

« L’immeuble était dessiné selon le plan type de la Sonacotra [ancienne dénomination d’Adoma, ndlr], poursuit Thomas Bourdon. Chaque façade était flanquée d’une rangée de chambres. Une double circulation enserrait le noyau dans lequel se trouvaient l’escalier, les sanitaires, les salles de bains et les cuisines collectives. » Plutôt que de suivre à la lettre le programme du concours, les concepteurs ont pris le parti d’étendre les logements jusqu’aux refends longitudinaux et de transformer le noyau en couloir central. L’escalier a été déporté en façade sur rue, de sorte à l’éclairer naturellement. Bilan de cette reconfiguration : 21 logements en moins par rapport à l’existant, malgré la surélévation d’un niveau. Un résultat qu’il convient de comparer avec celui du programme initial, qui tolérait la disparition de 45 logements. Croixmariebourdon a restitué les habitats manquants dans une extension à l’arrière de la parcelle. « Construire 24 studios en moins par rapport au programme a permis d’offrir un meilleur niveau de finition », expliquent les architectes. Autre avantage de la dimension modeste de l’extension (trois niveaux seulement) : la préservation du caractère domestique du cœur d’îlot.

 Galerie à l’air libre entre le bâtiment réhabilité et l’extension.
Photo : Takuji Shimmura
Façades sur jardin (bâtiment réhabilité et extension).
Photo : Takuji Shimmura

Couvertines à chaque étage

En façade comme en couverture, l’enveloppe est faite de zinc à joint debout (Rheinzink-artColor, couleur basalte), posé sur des MOB et une charpente en bois préfabriquée. Les toitures-terrasses ont été végétalisées avec un mélange de vivaces par la société Tandem urbain. À l’exemple de l’immeuble réhabilité, l’escalier jouit de lumière naturelle et de vues sur l’extérieur. Thomas Bourdon indique que « le montant total des travaux [7,4 millions d’euros pour 3 300 m2, dont 700 000 € de désamiantage, ndlr] n’est pas très éloigné de ce qu’il aurait pu être pour une construction totalement neuve. » Mais « une démolition-reconstruction n’aurait pas permis d’avoir un hall aussi généreux, souligne-t-il. Il n’aurait pas été possible de réaliser la galerie entre l’immeuble sur rue et l’extension sur jardin. Aujourd’hui, le bâtiment vieillit bien, techniquement et socialement. »

Façade du bâtiment existant (avant réhabilitation) sur la rue Victor-Guiffelhues.
Photo : Takuji Shimmura

L’isolation du bâti existant est réalisée à la fois par l’intérieur (110 mm de laine de verre) et par l’extérieur (60 mm de laine de roche). Concernant l’ITE, les architectes ont opté pour le produit Webertherm XM roche, associé à l’enduit Webertene TG (blanc bleuté 211). Tout ce qui est métallique est traité avec un thermolaquage anthracite. Les menuiseries en aluminium sont choisies chez Technal (Soleal FY 65) et le mur rideau est mis en œuvre avec les profils en acier 76.671 de Jansen. Intercalés entre les châssis vitrés, les bardages en zinc à joint debout sont fixés sur des voliges, elles-mêmes vissées sur des pattes inox liaisonnées à la maçonnerie. Les ressauts de la façade sur rue ne forment pas de balcons, sources potentielles de nuisances selon Adoma (stockage sauvage, barbecue, etc.), mais sont coiffés de couvertines en aluminium thermolaqué. Un recoupement systématique des étages que les architectes ont reconduit à l’endroit de la façade sur jardin, afin d’éviter les traînées liées au ruissellement des eaux pluviales.

Tristan Cuisinier

Maîtrise d’ouvrage :

Cet article est extrait du magazine 5Façades 164 disponible sur Calameo.