Dans un contexte d’urbanisation galopante, la gestion des eaux de pluie est une problématique environnementale importante pour les collectivités. Outre l’indispensable renaturation des sols, les toitures des bâtiments, notamment les toits-terrasses, ont un rôle à jouer dans ce domaine.

Toitures stockantes ou à rétention d’eau et toitures végétalisées qui facilitent la gestion des eaux pluviales urbaines en limitant les débits de pointe (orage) par stockage de l’eau, puis évacuation douce et évapotranspiration dans le cas des toitures végétalisées. Photo : Sika

L’imperméabilisation des sols occasionnée par l’urbanisation restreint l’infiltration des eaux de pluie dans le milieu naturel, ce qui a pour conséquence d’augmenter le ruissellement de façon importante en cas de fortes pluies. Pour les collectivités, cet écoulement est parfois difficile à maîtriser : déversement et impact sur le milieu naturel, saturation et engorgement des réseaux,risques d’inondation…Sur le plan technique, elles ont à disposition de nombreux moyens – tranchées drainantes, puits d’infiltration, cuves et citernes, bassins de rétention, noues et fossés paysagés… –, mais c’est loin d’être suffisant. C’est là qu’interviennent les toitures-terrasses qui peuvent être utilisées comme zone de stockage temporaire de façon à évacuer progressivement l’eau, après un orage par exemple.

Évacuation régulée

Dans ce cadre, plusieurs options sont à disposition, les deux principales étant les toitures stockantes ou à rétention d’eau et les toitures végétalisées. Les premières facilitent la gestion des eaux pluviales urbaines en limitant les débits de pointe par stockage de l’eau, puis évacuation douce. Les secondes à fonctions multiples – traitement paysager, protection de l’étanchéité, isolation acoustique, confort d’été… – jouent un rôle dans la rétention des eaux de pluie. Sachant que ces toitures, stockantes ou végétalisées, sont à réfléchir dès la phase de conception et imposent que la structure du bâtiment soit calculée pour recevoir temporairement un poids supplémentaire. Par exemple, dans le cas d’une protection en gravillons de 4 cm d’épaisseur, la charge d’eau supplémentaire est de 70 kg/m2 (eau contenue dans la hauteur des gravillons + 5 cm au-dessus). Leur mise en œuvre est régie par les normes DTU 43.1 « Étanchéité des toitures-terrasses avec éléments porteurs en maçonnerie » et DTU 60.11 « Règles de calcul des installations de plomberie sanitaire et d’eaux pluviales » et les systèmes employés sont similaires à ceux d’une toiture-terrasse classique. La solution technique la plus simple consiste à stocker quelques centimètres d’eau sur une toiture étanchée par l’intermédiaire d’un système de régulation placé sur les évacuations d’eaux pluviales. Le stockage d’eau est effectué soit dans des graviers répartis sur le système d’étanchéité pour toiture inaccessible (un minimum de 4 cm de hauteur de graviers est obligatoire pour cette solution), soit dans l’espace vide laissé sur le toit, créé par l’interposition de plaques structurées en nid d’abeilles associées à un géotextile drainant. Cette dernière solution permet d’étendre le domaine d’utilisation aux terrasses techniques et accessibles et de multiplier les protections d’étanchéité possibles. L’eau ainsi retenue est évacuée par un dispositif de vidange assurant la régulation des débits. Ce dispositif de vidange est important, car il assure aussi la régulation.

Le bénéfice d’une toiture végétalisée ne s’arrête pas à la gestion des eaux de pluie. S’y ajoutent : le traitement paysager, la protection de l’étanchéité, l’isolation acoustique et thermique, le confort d’été et l’atténuation des pics de chaleur. Photo : Le Prieuré

Comportement saisonnier des toitures végétalisées

Le comportement des toits végétalisés a été étudié dans le cadre d’un programme de recherche TVGEP1 piloté par l’Adivet2 et le CSTB. L’objectif de l’étude a consisté à mesurer tous les aspects du bilan hydrique – pluie, évapotranspiration, ruissellement, contenu en eau du substrat – d’une telle toiture. Cela a permis de vérifier ce qui était communément admis : à savoir qu’une toiture végétalisée sans système de rétention supplémentaire retient au minimum 50 % de la pluviométrie annuelle. Les études ont aussi mis en évidence le comportement saisonnier marqué des toitures végétalisées, en particulier une efficacité de réduction du ruissellement bien plus importante au printemps et en été. Ainsi, en fonction du type de complexe de végétation, les toits végétalisés peuvent retenir 70 à 80 % des eaux pluviales en été et entre 25 et 40 % en hiver (livingroofs.org, 2004). De même, l’ampleur de l’effet retardateur de l’évacuation de l’eau peut atteindre les deux tiers pour un orage d’une heure. On comprend donc qu’une toiture végétalisée doit, à l’instar d’une toiture à rétention d’eau, être parfaitement dimensionnée et étudiée.

 


  • 1 Toitures végétalisées pour la gestion des eaux pluviales urbaines. Programme de recherche financé par le ministère du Développement durable (partenaires : LEESU, CSTB, Adivet, CG92, et Cerema).
  • 2 Association des toitures et façades végétales.
Les toitures stockantes sont prévues pour se vider en moins de 24 heures, le volume de stockage devant rester disponible pour un nouvel épisode pluvieux. Photo : Siplast

Les éléments qui constituent la toiture doivent cependant répondre à certaines règles auxquelles il est impossible de déroger. Ainsi, seuls les toits-terrasses à pente nulle avec protections lourdes par gravillons sont visés dans le DTU 43.1 « Étanchéité des toitures-terrasses ». Les membranes d’étanchéité doivent être classées I4 (résistance au poinçonnement), l’équivalent d’une toiture technique, et être dotées d’un isolant de classe de compressibilité C visé pour l’emploi en toiture à retenue temporaire d’eau pluviale. Les reliefs, supports de relevés périphériques, sont obligatoirement en béton armé, et auront au moins 25 cm de hauteur au-dessus de la protection en gravillons, y compris au droit des sorties en toitures, costières de lanterneaux ou supports d’ancrage.

Dans le cas d’une toiture végétalisée, l’eau est stockée dans le substrat et/ou dans la couche de drainage/stockage sous le substrat. Doc. : Siplast

Végétalisation, solution globale

Mais c’est probablement avec les toitures-terrasses végétalisées que la gestion des eaux pluviales par la toiture est la plus pertinente. Ces dernières se comportent en effet comme des éponges. Elles sont de véritables réservoirs autorisant le stockage temporaire d’eau, quel que soit l’élément porteur de la toiture, y compris les supports légers TAN (tôle d’acier nervurée) et bois. Mais surtout elles vont plus loin qu’une simple toiture-terrasse gravillonnée. Car, si elles captent et stockent une partie des eaux et ralentissent leur évacuation, elles réduisent la quantité d’eau rejetée vers les réseaux par le phénomène d’évapotranspiration. C’est ce qu’on appelle « l’abattement »* pluvial : une partie de l’eau n’atteindra jamais les réseaux, car évaporée. Cela est d’autant plus efficace si elle est couplée à un système d’infiltration au sol au pied du bâtiment. Ces procédés, qui ont démontré leur efficacité depuis plus de 30 ans, sont aujourd’hui complétés par des plaques structurées en nid d’abeilles (appelées « Saul » pour structures alvéolaires ultralégères) mises en œuvre sous la végétalisation. Ce qui permet un stockage supplémentaire sur l’étanchéité et contribue à nourrir la végétation.

Stéphane Miget

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