Particulièrement apprécié des habitants du Blosne, le Polyblosne d’Antonio Virga n’en est pas moins une œuvre remarquablement composée et parfaitement exécutée. Délaissant l’architecture monomatière, sa marque de fabrique, le concepteur d’origine milanaise propose des enveloppes faites de béton, de verre, de bois et d’aluminium.

Façade est.

Il se dit que le quartier du Blosne, à l’est de Rennes, est le plus pauvre de Bretagne. Parmi les grands ensembles, entre les barres et les tours, comment imaginer un édifice qui réconcilie les habitants avec l’architecture ? Comment changer le signifié et le signifiant ? En d’autres termes, comment proposer des formes accueillantes et rassurantes ? Pour Antonio Virga, construire dans l’environnement froid des années 1960 du quartier prioritaire du Blosne impliquait de « retrouver une échelle humaine ».

Il s’agissait de recréer une véritable centralité urbaine grâce à des oppositions de grandeur et de morphologie de toiture. De fait, intercalé entre une antenne de France Travail et Le Triangle, une salle de spectacle des années 1970, le pôle associatif Polyblosne a des allures de petit village avec ses juxtapositions de maisonnées. « C’est une architecture assez facile, s’amuse le concepteur. Un plan en peigne, deux patios ouverts, une grande distribution vitrée et cinq maisons posées sur un socle de béton suffisent à composer le projet. »

Axonométrie montrant les matériaux du projet (les menuiseries ont finalement été réalisées en aluminium anodisé).
Simplicité chaotique

Géré par la Maison des squares, le bâtiment accueille quelque 70 associations différentes. Certaines y résident à l’année, d’autres ne l’occupent que ponctuellement. « La tarification des salles est très variable, indique Gabriel Biau, directeur de la Maison des squares. Il n’en coûte rien aux associations sans revenus. Les autres paient deux à trente euros par heure. » Pour s’installer au Polyblosne, nul besoin d’avoir un collectif déclaré. De simples particuliers peuvent en faire la demande, afin d’organiser des réceptions et des mariages dans la salle familiale, par exemple. Plus de la moitié de l’équipement est réservé à des associations autrefois hébergées dans les rez-de-chaussée et les sous-sols des barres et des tours.

 Façade nord du Polyblosne.

Un système de badges et d’entrées séparées permet d’autonomiser le fonctionnement des salles en dehors des heures d’ouverture de l’accueil. On observe un réel contraste entre le méli-mélo des formes archétypales de l’extérieur, dont on peine à comprendre la logique et la clarté de l’organisation intérieure. L’architecte souligne que « la simplicité du plan a permis de bouger les programmes en phase étude ». Quelques grandes terrasses, à demi-couvertes par des claires-voies, s’offrent aux programmes périscolaires (sport, crèche, aide aux devoirs). On n’en regrette pas moins que la promesse volumétrique des façades ne soit pas systématiquement tenue à l’intérieur. Hormis le merveilleux espace de la crèche, les volumes sous charpente sont tronqués pour réaliser des économies de chauffage, à la demande du maître d’ouvrage, la Ville de Rennes.

 Façade ouest, avenue des Pays-Bas.

Échelle domestique

À l’exception de la maisonnée sud-ouest, tous les pignons sont traités avec du bardage de bois. Antonio Virga explique que les surtoitures et les longs pans sont faits d’aluminium anodisé, au lieu du béton préfabriqué prévu à l’origine : « Un interdit du contrôleur technique qui a finalement été bénéfique au projet », concède l’architecte. Les nervures trapézoïdales des tôles renvoient aux lattis de bois et à une échelle domestique. On distingue deux sortes de tôles, choisies dans la collection Moorea à pas variable de Tolartois, selon qu’elles soient perforées ou non (création de claustras grâce aux perforations en fond de nervure). Certaines façades avec des ouvertures à claire-voie sont par ailleurs réalisées avec des tubes carrés 40 x 40 mm en aluminium anodisé, fixés sur des crémaillères Néoclin en acier laqué, RAL 9006. Dans ce cas, un bac de bardage sert de pare-pluie et de support de pose.

 Intérieur de la crèche.

L’essence de bois sélectionnée est un douglas traité par un saturateur (finition prégrisée) et une ignifugation en autoclave (Woodenha), qui permet de limiter la dimension des déflecteurs d’étage (sécurité incendie). Plusieurs mises en œuvre de bardage sont observables. Le cas le plus courant est un bardage « à faux claire-voie XL » de Silverwood (40 x 105 mm), vissé sur des tasseaux 40 x 60 mm. Les vraies claires-voies, qui masquent certaines ouvertures de façade, sont pour leur part « réalisées avec le système Néoclin et des barres de douglas de 40 x 40 mm de section », explique l’architecte Keeyong Lee, chef de projet. Pour ne rien gâter de la cohésion colorimétrique de l’ensemble, les menuiseries extérieures sont faites d’aluminium anodisé naturel. Dans le même esprit, les prémurs Inov’Mur de Jousselin, les dalles sur plots des terrasses et les sols souples des intérieurs sont choisis en couleur grise. À noter : la toiture plate qui couvre partiellement la plus grande terrasse suspendue accueille des panneaux photovoltaïques.

Tristan Cuisinier

Cet article est extrait du numéro 166 du magazine 5Façades disponible sur Calameo