Dans l’optique de densifier les villes sans les étendre, les autorités encouragent la surélévation des bâtiments existants. Cependant, malgré ce contexte favorable et le potentiel évident, la mise en œuvre de ces projets reste un défi. Et si la surélévation offre des opportunités de densification urbaine et de rénovation énergétique, elle nécessite une approche intégrée et des solutions techniques adaptées pour garantir le succès de ces projets.

Quartier Chevaleret, Paris 13e, la tour Watt (autrefois tour du Loiret) a été totalement repensée. Rehausse de trois niveaux avec structure en CLT. Vlau architectes.
Photo : Sergio Grazia

La lutte contre l’étalement urbain est au cœur des politiques urbaines modernes. Dans ce contexte, la surélévation des bâtiments existants est une stratégie clé pour atteindre les objectifs. Le manque d’espace et le coût élevé du foncier justifient pleinement la surélévation des constructions existantes. Dans les grandes métropoles comme Paris, où une dizaine de permis de construire pour des projets de surélévation sont délivrés chaque année, le potentiel est considérable. Le principal obstacle à la surélévation en milieu urbain n’est pas technique, mais plutôt lié à la mobilisation difficile des propriétaires. Pourtant, les avantages pour ces derniers sont nombreux, notamment sur le plan financier, avec la création de valeur immobilière. Cette valeur peut être réinvestie dans des travaux de rénovation énergétique ou d’autres améliorations au sein de la copropriété.

Un cadre réglementaire favorable

Sur le plan réglementaire, les projets de surélévation sont soumis aux règles de gabarit et de construction des plans locaux d’urbanisme (PLU). Ils doivent se conformer aux normes locales, incluant la hauteur, l’aspect extérieur, et l’intégration architecturale avec le bâtiment existant. Avec la loi Alur visant à faciliter la densification, les restrictions telles que le coefficient d’occupation des sols (COS) ont été levées dans de nombreuses zones urbaines, libérant ainsi le potentiel de surélévation. De plus, sous certaines conditions, un dépassement de gabarit, appelé « bonus de constructibilité », est autorisé, favorisant les projets exemplaires sur le plan énergétique et environnemental.

Intégration et faisabilité technique

Lors de la conception des projets, plusieurs aspects sont à considérer, notamment l’intégration dans le paysage urbain, la conformité aux règles d’urbanisme, et la capacité structurelle du bâtiment existant. Sur le plan financier, les coûts supplémentaires liés à la surélévation, tels que le renforcement des fondations ou la mise aux normes de sécurité, doivent être pris en compte. Au-delà des considérations juridiques et réglementaires, la faisabilité technique reste primordiale. La typologie du bâtiment, son âge, l’état de ses fondations, sa capacité à supporter une charge supplémentaire, la présence de cheminées ou de systèmes d’évacuation d’air en toiture sont autant d’éléments à prendre en compte en amont de l’opération. Les solutions d’adaptation peuvent s’avérer très onéreuses. Par exemple, dans le cas où la structure ne peut pas reprendre la charge, la surélévation devra être désolidarisée du bâtiment avec des structures indépendantes.

Et si les fondations existantes ne peuvent pas reprendre l’ensemble, les fondations devront être renforcées ou doublées, au moyen de micropieux par exemple. Ne pas oublier non plus le coût de déconstruction de la toiture existante. Concernant le choix de la structure de la surélévation, les ossatures en bois ou en métal sont le plus souvent retenues par les concepteurs. L’ossature métal autorise des portées plus importantes avec de faibles retombées de poutres. L’ossature bois offre, quant à elle, une solution certainement plus appropriée à ce type d’ouvrage : rapidité d’exécution et chantier propre grâce à la préfabrication en atelier (filière sèche), mise en œuvre sur tout type de support. Son utilisation est très largement répandue. Sachant que, aujourd’hui, les structures en CLT prennent le pas sur l’ossature bois classique. Bois ou métal, la surélévation est solidarisée mécaniquement au bâtiment existant, en multipliant les points de fixation pour répartir les efforts. La filière béton, à laquelle on ne pense pas a priori, car jugée à tort ou à raison comme une solution apportant trop de poids, s’intéresse également à ce marché.

Stéphane Miget

Surélévation ossature bois au centre de Lyon

 

Photo : AA Group
 

Ce projet de réhabilitation d’un ensemble de bâtiments anciens à Lyon (7e), transformé en résidence étudiante, illustre les défis de la rénovation en centre-ville. Ce programme, pour GrandLyon Habitat en conception-réalisation porté par GCC Aureca!, situé dans un quartier historique, a nécessité une concertation avec les autorités locales et les architectes du patrimoine pour préserver l’aspect historique tout en répondant aux besoins contemporains. Les architectes de l’agence lyonnaise AA Group en charge du projet ont mis l’accent sur trois enjeux : répondre à la demande de logements pour étudiants, respecter l’histoire du quartier et intégrer des éléments environnementaux. La surélévation d’un des bâtiments, réalisée en bois, a été conçue pour s’intégrer harmonieusement à l’ensemble tout en respectant l’esthétique existante. Sur le plan technique, la surélévation a été réalisée avec des murs à ossature bois, permettant de limiter les nuisances et d’utiliser des matériaux moins impactants sur le plan carbone. Des études préliminaires ont été effectuées pour garantir la solidité de la structure existante et les ajustements nécessaires ont été réalisés avant l’assemblage final sur le chantier.
La surélévation a été achevée en trois mois et les premiers résidents pourront emménager dès la rentrée universitaire 2024.

Métamorphose architecturale dans le quartier des Minimes à Toulouse
Photo : Philippe Rol

Au cœur du quartier des Minimes, entre le canal du Midi et le quartier Barrière-de-Paris, l’agence Taillandier Architectes Associés (TAA) vient de livrer un projet qui conjugue réhabilitation et surélévation pour donner une nouvelle vie à une ancienne ferme datant de la seconde moitié du 18e siècle. Situé à l’angle formé par l’avenue Frédéric-Estèbe et la rue Mengaud, le terrain abritait une bâtisse historique orientée vers le sud, ouvrant sa principale façade sur le cœur d’îlot. Le projet a proposé la construction d’un bâtiment de logements collectifs en R + 3, intégrant une partie de réhabilitation de la ferme existante ainsi qu’une extension et une surélévation en construction neuve. L’objectif premier était de préserver l’essence même de la ferme historique, en mettant en valeur ses façades remarquables et ses ouvertures donnant sur le jardin.

 

Ainsi, la façade principale orientée vers le sud a été préservée, créant une continuité visuelle avec le cœur d’îlot. Les façades existantes, restaurées avec soin, tout en introduisant de nouvelles percées, laissent pénétrer la lumière naturelle et offrent des vues sur l’environnement extérieur. Le bâtiment, composé de trois volumes de formes et de hauteurs différentes, respecte l’harmonie architecturale du quartier. La toiture à deux pans du troisième volume s’intègre au vocabulaire architectural de la ferme, tout en offrant une touche contemporaine à l’ensemble. Idem avec l’utilisation de l’acier Corten pour le traitement des façades qui s’harmonise avec les murs en briques et galets de la ferme historique. Cette matérialité unique crée une cohérence visuelle et met en valeur le contraste entre le passé et le présent.

Doc. : TAA
Surélévation en ossature bois du Petit Musc à Paris
Photos : Becia

Portée par Paris Habitat, conçue par MIR Architectes, la réhabilitation lourde de ce bâtiment datant des années 1920 confiée à Becia, entreprise générale spécialisée dans les opérations de réhabilitation, illustre les défis techniques rencontrés dans la surélévation en site urbain contraint et historique, à savoir le quartier du Marais à Paris. Autrefois imprimerie et atelier de reproduction, l’ensemble a été surélevé de trois niveaux en ossature bois et béton de chanvre pour la création de huit nouveaux logements. La complexité du chantier a nécessité une réflexion approfondie sur le renforcement structurel de l’existant. Résultat : une structure métallique indépendante, reposant sur des micropieux d’une profondeur de 25 mètres, a été conçue pour assurer la stabilité de l’ensemble.

 

L’ossature bois, choisie pour sa légèreté afin de limiter la charge sur les fondations, a été installée à l’aide d’une grue spéciale adaptée aux contraintes d’espace. La gestion de l’accessibilité et de l’espace limité a en effet été un défi supplémentaire de ce projet. Ce dernier a également mis en avant l’utilisation de matériaux durables et biosourcés. Le béton de chanvre, utilisé pour l’isolation, offre des avantages thermiques tout en réduisant l’impact environnemental. De plus, le choix du bois PEFC pour les menuiseries et la structure ainsi que l’utilisation de linoléum pour les sols témoignent de l’engagement envers des pratiques de construction respectueuses de l’environnement.

Cet article est extrait du numéro 166 du magazine 5Façades disponible sur Calameo