Les JO de Paris approchent, les équipements sportifs et les bâtiments du Village des athlètes ont été livrés dans les temps pour le grand rendez-vous du sport mondial. Conçu par l’architecte et urbaniste Dominique Perrault, l’ensemble s’intègre à l’ambitieux projet du Grand Paris. L’objectif est de répondre dès aujourd’hui et dans la phase Héritage et Durabilité aux défis climatiques de demain grâce à une conception écologique et multifonctionnell des bâtiments. Dans cet ensemble, les façades prennent toute leur part, innovation et design sont au rendez-vous.

Dossier réalisé par Josée Blanc-Lapierre et Stéphane Miget

Entretien avec Éric Dibling, dirigeant fondateur d’Ingénéco Technologies, cabinet d’ingénierie

 Éric Dibling, dirigeant fondateur d’Ingénéco Technologies, cabinet d’ingénierie expert en innovation constructive. En tant qu’expert, il a participé à la construction des Appréciations techniques d’expérimentation (ATEx) nécessaires aux ouvrages du Village des athlètes en Seine-Saint-Denis.
Photo : Reezome

5façades – Qu’est-ce qui fait la spécificité des façades des bâtiments construits pour les JO, notamment le Village des athlètes ? Les promesses d’innovation ont-elles été tenues ?

Éric Dibling – À priori, oui. La plupart des façades mises en œuvre ont bénéficié d’ATEx délivrées par le CSTB. Ce qui indique que, en matière d’innovation, avec toutes les parties prenantes (Solideo, ADIVbois, France Bois 2024, CSTB, AQC, FCBA, Socotec, BTP Consultants), nous avons travaillé sur deux notions capitales : la qualité et l’évaluation. L’évaluation, par le biais des ATEx, facilite ou impose – j’ignore quel terme est le plus juste – une amélioration très substantielle de la qualité.

Pourquoi ?

Parce que ces deux notions sont étroitement liées. La qualité, c’est tout simplement dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit. Et le dire suffisamment tôt dans les processus de décision. Quand nous avons commencé, juste avant l’épidémie de Covid, nous étions sur une terra incognita, dépassant les domaines d’emploi de la plupart des procédés qui ont été utilisés. De ce fait, il a fallu décrire précisément ce qui était fait et l’évaluer. Ce qui a guidé cette justification, c’est l’engagement dans des stratégies d’ATEx pour démontrer que les procédés mis en œuvre pouvaient relever de la technique courante.

Pourquoi avoir choisi cette voie ? Car on oppose souvent à cette démarche de la lourdeur, de la lenteur… sans parler du coût.

Si l’on est sincère dans son analyse, on constate une forme de biais d’approche entre ce qui est reconnu en technique courante avant mise en œuvre et ce qui ne l’est pas. On a tendance à observer que beaucoup pensent que la première catégorie n’appelle aucune justification alors que, précisément, ce qui est à justifier peut-être assez engageant et est justement listé dans le référentiel de reconnaissance. Malheureusement, on observe souvent que les réalités du chantier conduisent à escamoter certaines justifications, ce qui explique peut-être le montant endémiquement très élevé de la non-qualité constaté dans la production bâtimentaire et aussi les nombreuses frictions entre acteurs.

Les démarches d’évaluation formalisées telles que les démarches d’ATEx conduisent donc déjà à ce premier rattrapage de type pédagogique. Ensuite, il s’agit d’évaluer la véritable composante innovante, qui, comme on le sait bien dans toute industrie, est évidemment intrinsèquement génératrice d’aléas ; toute innovation l’est. Donc, ce n’est pas tant la démarche d’évaluation qui est problématique, mais une forme d’impréparation à devoir expliquer clairement et justifier rigoureusement. D’ailleurs, grâce à l’implication sans faille des porteurs et à toute la pédagogie des accompagnements, les ouvrages olympiques, y compris ceux qui sont passés par ces procédures, n’ont-ils pas été livrés avec plusieurs mois d’avance ?

Hors ATEx, l’offre industrielle ne se déclenche pas nécessairement après l’expérimentation, pourquoi ?

Parce que, tout simplement, les conditions d’intelligibilité indispensables à toute reconnaissance élargie n’ont pas été réunies. Hors procédure formalisée, la métrique de capitalisation est donc moins immédiate.

Cela veut dire que l’on sait à priori faire, mais que cela n’avait jamais vraiment été formalisé ?

Comme vous le dites, « à priori ». Lorsque l’innovation n’a pas été confrontée à une démarche formalisée réunissant un aréopage étendu et reconnu comme représentatif du savoir-faire (directions techniques nationales de contrôle, laboratoires, normalisateurs, experts indépendants…), les technologies concernées ne peuvent revendiquer le même niveau de robustesse et donc de reconnaissance. À l’inverse, le travail réalisé pour les bâtiments du Village des athlètes a permis une forme de reproductibilité intelligible au sens du critère « expérience reconnue et réussie ». C’est exigeant, certes, mais c’est à la hauteur de l’exigence attendue par le principe de présomption de responsabilité des constructeurs de la loi du 4 janvier 1978 (46 ans déjà !).

Photo : Cédric Colin

Combien d’ATEx en tout pour le Village des athlètes et qu’est-ce qui fait leur singularité ?

Avec toutes les parties prenantes citées précédemment, nous avons travaillé sur une quinzaine d’ATEx qui portent principalement sur l’enveloppe des bâtiments, la majorité d’entre elles intéressant les façades à ossature bois non porteuse (FOB). On peut parler d’une certaine façon de « l’irruption » de la technologie FOB par rapport au mur à ossature bois (MOB) plus classique. Ce qui différencie vraiment ce type de façade, c’est son absence de monolithisme comportemental. Il s’agit d’une façade plutôt composite et qui ne contribue pas du tout à la stabilité d’ensemble du bâtiment.

En effet, c’est la grande différence : tout est fait pour que cet ouvrage ne contribue pas à la stabilité d’ensemble et cette non-contribution ne peut être permise qu’en créant des dissociations mécaniques, notamment périphériques, à la façon d’une façade-rideau classique. Ces dissociations sont évidemment antagonistes avec les autres propriétés que l’on attend d’un élément d’enveloppe, à savoir le clos et le couvert, et donc l’étanchéité à l’eau et à l’air. C’est bien toute la difficulté.

Ce qui veut dire que la FOB est davantage un système industrialisé que le MOB ?

En quelque sorte, oui. De façon très simplificatrice, l’ossature bois porteuse (COB ou MOB) relevant du DTU 31.2 est une technique qui relève davantage d’un savoir de charpentier. La FOB, relevant quant à elle du DTU 31.4, est davantage un procédé qui relève d’un savoir-faire de façadier. Le premier est historiquement principalement un structuriste, le second un expert du clos-couvert. Donc, la problématique pour des ouvrages d’ampleur utilisant l’enveloppe en bois est de développer de nouveaux savoir-faire qui ne sont pas automatiquement portés par les acteurs historiques de la construction bois. C’est une transition vers une autre culture, celle des industriels de la façade. Il y a aujourd’hui des spécialistes de la façade qui commencent à s’approprier le matériau bois, et des charpentiers, ceux qui historiquement le maîtrisent, qui commencent à s’intéresser à la FOB.

Photo : Fleur Mounier

Donc une FOB, c’est une façade que l’on vient poser contre ou dans une structure en désolidarisation de cette dernière ?

Et qui va du revêtement extérieur jusqu’au parement intérieur, menuiserie incluse et avec tous les matériaux qui la composent.

En plus des ATEx spécifiques aux projets des JOP, deux guides sur les revêtements de façades sur FOB et MOB ont été publiés. Pourquoi ?

Lorsque nous avons lancé le Club des industriels en 2019 dans le cadre des projets ADIVbois et France Bois 2024 financés par le Codifab et France Bois Forêt, nous avons identifié deux grandes familles de problématiques à traiter : d’une part, les murs dits « chauds non ventilés » ; d’autre part, les murs dits « à parement ventilé ». C’est dans cet état d’esprit que les deux guides ont été rédigés.

À travers ces deux thématiques, on peut considérer que l’ensemble des sujets à traiter va favoriser l’élaboration d’un corpus suffisamment robuste qui permette ensuite aux industriels d’engager leurs démarches d’évaluation, que ce soit des ATEx de cas A ou B, des ATec (Avis techniques) ou des DTA (Documents techniques d’application), et même des avancées en matière normative. L’histoire l’a depuis confirmé. D’ailleurs, ces guides et les ambitions architecturales des différents acteurs du village olympique ont convergé puisqu’il y a eu une concomitance de toutes ces réflexions.

Est-ce que ces ATEx sont reproductibles ?

Formellement, non. Ce sont des ATEx de cas B dont les propriétaires sont les demandeurs (c’est-à-dire souvent les entreprises du programme), mais il y a une forme de jurisprudence voulue dès le départ par l’ensemble des écosystèmes de décideurs. Donc, il y a des clauses de réciprocité et de partage émises par les uns vis-à-vis des autres, qui autorisent sciemment une certaine porosité. Les guides constituent, dans une certaine mesure, des sortes de pré-CPT (Cahiers des prescriptions techniques) qui factorisent des savoir-faire communs pour faciliter les démarches d’évaluation technique et réglementaires.

Vous avez rapidement abordé la problématique « feu » qui, par ailleurs, fait débat. Comment a-t-elle été traitée dans les ouvrages olympiques intégrant des FOB ?

À l’échelle de la façade, quand vous souhaitez limiter la propagation du feu par les façades d’un niveau à un autre, il convient de considérer plusieurs sujets importants. Parmi ceux-ci, il y a les notions de continuité et de fiabilité de la fonction écran, placé devant une paroi composée d’ossatures en bois, c’est-à-dire comportant intrinsèquement des vides de construction et des matériaux combustibles.

Si l’on considère la règle dite du « C+D »1, dans une telle composition (les écrans intérieurs devant tout de même assurer un performance E60 i->o ou, selon les cas, EI60 i->o), la fonction écran intérieur est souvent assurée par une contre-cloison (plaque de plâtre sur ossature métallique) sous DTU 25.41 et PV, qui mutualise les fonctions. C’est assez commode, puisque, en un seul ouvrage, vous regroupez différentes fonctions (support de décoration intérieure, doublage thermoacoustique…) en même temps que la performance et la résistance au feu. Ceci peut néanmoins être problématique, notamment quand on considère le temps long.

Pourquoi ?

Parce que cet écran déporté est possiblement sujet à des modifications, des percements entrepris par des occupants qui n’auraient pas véritablement saisi toute la portée de tels ouvrages, qui, dans des ouvrages plus courants, n’ont en effet qu’une fonction majoritairement décorative en étant placés devant une construction incombustible et compartimentée. Si l’on peut concevoir que des incorporations électriques peuvent être relativement bien traitées à l’état initial, que penser à un horizon de cinquante ans, quand le bâtiment aura vécu plusieurs générations d’occupants, avec des syndics plus ou moins conscients des enjeux en présence ?

Quelle est l’autre proposition qui apparemment a votre préférence ?

C’est l’ajout d’un écran fixé directement sur la partie à protéger pour atteindre la performance de résistance au feu. Soit des plaques de plâtre fixées sur les montants de l’ossature bois non porteuse, assurant en totalité ou en grande partie la résistance au feu attendue. La combinaison des plaques de plâtre intérieures (contre-cloison) avec celles-ci assurant la totalité de la protection. Une option plutôt intelligente, mais encore actuellement hors du champ du DTU 25.41 et de la plupart des PV associés. Les ATEx et appréciations de laboratoire associées ont appréhendé ces questions. Le fait que l’on sanctuarise la fonction écran, en la rendant directement solidaire de l’élément à protéger, facilite aussi les traitements de calfeutrement en rive de dalles pour empêcher la propagation des gaz chauds d’un étage à l’autre. Le seul inconvénient est la visitabilité des parois vis-à-vis de la gestion du risque d’humidité en phase chantier, mais là aussi des stratégies efficaces ont été développées.

On n’a pas encore parlé de l’IT 249 pour le revêtement extérieur lui-même concernant le risque de propagation du feu par les façades. Qu’en est-il ?

Comme on l’a vu précédemment, l’application de l’IT 249 présuppose l’intégrité des valeurs C et D pendant les durées de résistance requises. Sans cela, on ne peut évidemment pas parler de recoupement ou de (non) mobilisabilité (de masses combustibles) au sens de l’IT 249. Donc, oui, tous les recoupements, les lames d’air, les masses combustibles mobilisables ont été traités. Mais c’est assez classique, en fait. Ce n’était pas vraiment sujet à discussions, dès lors que la performance et la sanctuarisation des écrans étaient assurées.

Est-ce qu’il y a quelque chose que l’on n’a pas dit et qui vous semble important de dire par rapport aux enveloppes des ouvrages du Village des athlètes ?

Quinze ATEx, cela semble peut-être beaucoup. Mais les acteurs qui ont conduit cette démarche l’ont trouvée vertueuse et profitable en matière de management et de qualité, c’est d’ailleurs le propre de tout processus qualité que d’être aussi structurant. L’ATEx est ainsi une forme de colonne vertébrale autour de laquelle tout le monde a pu communiquer sur des bases communes. Ce n’est évidemment pas une démarche parfaite, mais elle est, je le répète, vertueuse et permet de fédérer les compétences et les processus pour prendre les bonnes décisions aux bonnes temporalités. Elle peut avoir mauvaise presse, car elle serait une perte de temps, mais ce n’est pas le cas lorsqu’elle est correctement anticipée, comme cela fut le cas pour ces quinze ATEx. Évidemment, celles qui sont menées à la remorque des camions n’ont aucune chance de fonctionner. Mais, dans ce dernier cas, est-ce véritablement un problème d’ATEx ou ne serait-ce pas plutôt le management de projet – qui devrait intégrer tous les indispensables jalons de contrôles et d’autocontrôles normalement actifs depuis les premières étapes de la programmation puis de la conception – qui devrait être réinterrogé ?

Des « îlots-bateaux » sur les bords de Seine

 
Photo : DronePress

Au-delà d’offrir un « accueil d’exception » aux 14 500 athlètes et à leur staff, le village olympique est promu à un avenir ambitieux et durable. « Un urbanisme de liaison », selon son créateur, l’architecte Dominique Perrault, conçu pour avoir toute sa place en 2050 dans l’énorme projet du Grand Paris et pour être connecté à l’échelle de la métropole, via la gare de Saint-Denis-Pleyel (métro ligne 14) signée Kengo Kuma. Ce nouveau quartier héritage, 2 400 logements et 119 000 m2 de bureaux et services dispersés sur trois communes (Île-Saint-Denis, Saint-Denis et Saint-Ouen), est aussi accessible en métro (ligne 13) et à quelques minutes en bus du Stade de France et du centre aquatique.

 

Photo : DronePress

Situés en bord de Seine, les 51 hectares ont inspiré à l’urbaniste en chef du projet l’image d’« îlots-bateaux » amarrés le long du fleuve sur des plots qui suggèrent une ligne de flottaison : « Une morphologie capable d’accueillir une grande diversité de programmes, logements, bureaux, hôtel, résidence étudiante, commerces, etc., et des ensembles ouverts à la fois sur l’espace public et sur des cœurs d’îlots offrant le cadre de grands paysages. » Des bâtiments indépendants les uns des autres aux caractères bien trempés, mais qui forment un tout harmonieux.

Pour préfigurer la ville de demain et l’adapter au changement climatique, il a fallu sortir le grand jeu : une empreinte carbone allégée, des espaces publics généreux, partagés ou dédiés à l’agriculture urbaine, des transports multiples et doux, une végétalisation omniprésente.

Un quartier durable, cela ne s’improvise pas, en amont il a fallu penser à l’imperméabilisation des sols et à la gestion des eaux pluviales, sans oublier de produire local pour réduire la facture énergétique.

Avec ses salles d’entraînement, de musculation, un centre médical et des cafés food trucks, rien ne semble avoir été oublié dans cette vitrine urbaine du futur. En voisine, la Cité du cinéma a été mise à contribution et rénovée pour accueillir jusqu’à 40 000 repas par jour pendant les JO. Une quarantaine de concepteurs ont travaillé main dans la main pour réussir ce pari fou, l’occasion ou jamais d’unir ses forces et de montrer ce que l’on sait faire.

Maître d’ouvrage : Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques)
Architecte-urbaniste mandataire : Dominique Perrault Architecture (75)
Urbaniste opérationnel : Une Fabrique de la Ville (75)
Ingénierie : Ingérop, Rueil-Malmaison (92)

Envie de prendre le large

Le bâtiment phare de l’agence Brenac et Gonzalez est atypique. Plus long que les autres, il réunit deux plots en un seul et, sur les bords de Seine, il évoque une « figure de proue » : look de paquebot blanc, coursives élégantes et toit-terrasse en belvédère : « Pour nous, l’essentiel est dans la sobriété et la maîtrise du détail et nos garde-corps sont emblématiques de notre démarche : on a eu l’idée de les poser à 45° et d’alterner, afin de créer un motif à chevrons ; depuis, on a reçu une avalanche de compliments, preuve que l’on peut faire beaucoup avec très peu ! », raconte Emmanuel Person, architecte de l’agence Brenac et Gonzalez. Pour lui comme pour ses voisins, un parti pris dès le départ : sortir de terre un quartier exemplaire : « Ces JO pour moi sont le point zéro d’une refonte de notre matrice d’architectes, une prise de conscience après les crises successives des gilets jaunes et du Covid qui ont favorisé le retour aux fondamentaux. » Résultat, une majorité de bâtiments à ossature bois et pour les vêtures, pas question de recourir au métal émetteur de carbone et capteur de chaleur : « De manière collégiale, notre choix s’est porté vers la terre cuite, un matériau géosourcé qui offre, en plus, une belle palette de déclinaisons, teintes, formats, finitions, il a été notre fil conducteur. » D’où, sur les trois bâtiments réalisés par l’agence (plots 1, 5 et 8), un bardage de petits carreaux de 10 cm sur 10 cm, mats ou émaillés quand ils sont cuits deux fois, une « bicuisson » dans les fours de la briqueterie Rairies Montrieux : « Selon les modèles, leurs motifs apparaissent comme par magie sous l’effet de la lumière, cela donne vie au bâtiment, l’impression qu’il respire. » Les trois bâtiments sont en poteaux-poutres bois (parfois de l’acier pour renforcer les portées si nécessaire) et, sur les façades en ossature bois, de grands cadres préfabriqués viennent s’assembler à la manière d’un Meccano, avec un isolant en laine de bois entre les montants. Parmi les trouvailles, des balcons traités sur un double registre (plots 5 et 8) : une dalle horizontale un étage sur deux, en alternance avec un effet « voûtain », légèrement cintré : « Une manière subtile d’introduire l’idée d’une double hauteur comme s’il s’agissait d’ateliers. » Ou encore, pour casser l’alignement des balcons, une fois sur deux ils sont en retrait du poteau de façade : « On a pris énormément de plaisir à peaufiner des façades avec des détails qui font que l’on prend le temps de s’arrêter et de regarder un bâtiment. »

Programme : 767 chambres d’athlètes ; 148 logements en phase héritage
Maître d’ouvrage : Icade
Architecte : Brenac & Gonzalez et Associés
Paysagiste : TN Plus

Du caractère et un air de famille

 

Des bâtiments qui permettent souplesse et réversibilité, la formule ossature bois ou béton bas carbone s’imposait au village olympique voué à accueillir familles et étudiants après les JO : « Les logements des athlètes n’ont pas de cuisine mais deux salles de bains, pas de séjour mais un petit salon et une chambre de plus. Début octobre, on ne touchera pas aux façades ni au béton, on n’aura plus qu’à monter ou démonter des cloisons, c’est tout », raconte François Guynot de Boismenu de l’agence CoBe.

Cette dernière a tracé les grandes lignes d’une partie du village olympique : les Belvédères, immeubles les plus hauts et à dominante métallique, ouverts sur le mail central et les Villas, de faible hauteur, en bois et enduit à la chaux, en référence à la ville de Saint-Ouen proche : « On a travaillé avec nos voisins architectes pour donner à l’ensemble un air de famille tout en préservant à chacun une identité propre. » Harmonieuses, toutes les façades affichent un exosquelette de profilés métalliques verticaux, des menuiseries en bois résineux, type chêne, et des garde-corps en aluminium qui, en soutien aux balcons, se transforment au dernier étage en pergolas au-dessus des toits-terrasses et des panneaux photovoltaïques.

Pour l’habillage, un dégradé de teintes chaudes, du bronze au sable, de la Seine à la ville de Saint-Ouen. Alors que, au contraire, les voisins d’en face, les Quinconces, ont choisi le contraste entre bleu, vert et rouge. Sur les trois bâtiments confiés à CoBe, deux sont destinés au logement traditionnel familial et le plus haut (R + 11 dans l’angle) au coliving : des appartements partagés avec une partie commune au R + 1 largement vitrée avec salle de sport, piscine, laverie, terrasse.

Habillé de terre cuite (Wienerberger), c’est le bâtiment qu’occupera la délégation française : « Cela n’a pas toujours été facile, on était en pleine réforme de la rénovation thermique, l’ambition du biosourcé était très forte et on n’était pas toujours prêts, mais cela nous a permis d’innover et d’avancer tous ensemble. » Certains industriels ont acheminé leurs matériaux via la Seine, comme le bois d’origine à 80 % française.

Et plusieurs ATEx ont été nécessaires, notamment pour les enduits sur un bardage ventilé, ou encore un détail de rupture acoustique entre le bois et le béton. Il fallait aussi faire vite, le temps était compté : « On est très contents d’avoir participé à cette grande aventure, on est passés par des moments de doutes sur le plan technique et finalement on arrive à quelque chose de beau et d’harmonieux. »

Maîtres d’ouvrage : Nexity, Eiffage, CDC Habitat, Groupama, EDF
Maîtres d’œuvre (secteur E) 
Coordinateurs : CoBe (coordinateur architectural), KOZ (coordinateur technique), Atelier Georges (paysage)
Architectes : CoBe, KOZ, Lambert-Lénack, SOA, Dream, Barrault-Pressacco, Atelier Georges (paysage)

Simple et sur mesure

 

Pour faire la part belle au bois, Pascal Gontier, comme la plupart de ses voisins, a mis toute sa créativité au service des façades des six bâtiments qui lui ont été confiés. Ville de demain oblige, du géosourcé s’imposait et la tuile en terre cuite a fait le buzz : « C’est un matériau pérenne qui s’associe bien avec le bois, un peu comme les ardoises et avec une ATEx pour sa pose en façade, c’est un verrou qui a sauté et la terre cuite, qui ne fait pas encore partie des pratiques courantes, est promise à un grand avenir. » Comme il n’est pas le seul à avoir eu cette idée, restait à chacun de se distinguer par sa touche personnelle.

Chez lui, c’est le détail qui compte : « Pour le village olympique, j’ai opté pour une écriture simple, pas bavarde, j’aime aussi que l’architecture profite à ses utilisateurs et je privilégie des façades généreuses, de grandes surfaces vitrées pleines, le maximum de bois y compris sur les balcons. » Sur un socle en béton bas carbone, ses quatre bâtiments de Saint-Denis de 7, 9 et 10 niveaux font la différence avec des balcons « appropriables », une extension naturelle de l’espace de vie. 

Toutes les structures sont en béton, les façades sont à ossature bois non porteuse, excepté pour l’un d’eux : le bâtiment de 6 niveaux tout en structure bois, identifiable par l’originalité de sa couleur : « J’adore le bois peint et cette couleur ocre rouge qui caractérise les façades traditionnelles en Suède et d’ailleurs j’ai fait venir la peinture de là-bas. » Les toitures sont végétalisées, accessibles et dotées de panneaux photovoltaïques. Dans le secteur des Quinconces (Saint-Ouen), l’un de ses deux bâtiments est baptisé « Cycle » pour sa promesse zéro déchet et récupération des eaux usées : 6 niveaux, une structure en bois et 50 % des bardages en terre cuite couleur chocolat, le reste en enduit.

Des balcons pour lesquels il a inventé le BOB, Bespoke Open Building, un concept qui laisse aux occupants le choix de leur composition. Pour pousser le détail plus loin, l’architecte s’est amusé à personnaliser les garde-corps en alternant des parties opaques avec des transparentes, selon le besoin d’intimité de l’occupant. Autre distinction, des volets métalliques qui se déplient : « C’est plus cher, mais je préfère ça aux volets roulants qui transforment les immeubles en boîtes de conserve. » Il se bat aussi pour des escaliers et des paliers à la lumière du jour, qui apportent de la légèreté et sont plus agréables à pratiquer.

Village des athlètes à Saint-Denis (93)

Maître d’ouvrage : Vinci Immobilier
Architecte et coordonnateur de l’îlot A2 : Atelier Pascal Gontier
BET : Incet, BESB, Wagon Landscaping, Elioth, Étamine, Éco-conseil
Entreprise : Bouygues Construction

Village des athlètes à Saint-Ouen (93)

Maîtres d’ouvrage : Icade Promotion, CDC, CDC Habitat
Architecte : Atelier Pascal Gontier (plots 3 et 10)
Architecte coordonnateur du secteur : UAPS
BET : Egis, Bérim, Elioth, AcousTB, Oasiis, TN Plus

Élégance et origami

 
Photos : Cyrille Weiner

Ancien basketteur de haut niveau, Dimitri Roussel a la niaque. La quarantaine, et déjà à la tête d’une grosse agence, ce jeune architecte a mis le cap sur le bois. Ce choix est interdit sur le village olympique pour les constructions de plus de 27 m de hauteur. Mais l’ancien sportif est combatif, il décroche l’autorisation pour son immeuble de bureaux de 36 m. Il est le seul.

Et la performance ne s’arrête pas là. Grâce aux JO, l’ancien sportif réalise enfin son rêve, installer un gymnase sur le toit : « Ce sont des idées que je porte depuis dix ans, une vraie obsession alors pour les JO je me suis battu pour convaincre tout le monde qu’il fallait frapper fort pour être à la hauteur de l’événement. » Situé à l’est du Village des athlètes, côté ville de Saint-Ouen, cet immeuble de bureaux doit accueillir les organisateurs des JO et garder la même vocation en héritage. Tout comme le gymnase, dédié aux habitants du futur nouveau quartier : « On l’a mis un peu comme une lanterne sur le toit, les gens pourront venir s’y rencontrer, l’ensemble incarne à la fois des valeurs écologiques et sociales. »

Pour innover et aussi par souci de pratiques vertueuses, le fondateur de l’agence Dream s’est dirigé tout droit vers la tuile en terre cuite pour habiller ses façades : « On est à Saint-Ouen. Historiquement, c’est une ville populaire, productive, il y avait beaucoup d’usines au 19e siècle, très belles, en briques, et ma façade avec ses grandes verrières évoque un peu l’histoire industrielle de cette ville. » Des tuiles plates, fabriquées à l’ancienne (Terreal) et crochetées à la main sur des tasseaux, comme sur une charpente, mais à la verticale. Et, par précaution, l’appui d’un ATec, histoire de vérifier encore une fois qu’elles ne se brisent pas. Un travail très technique et une préparation minutieuse : « C’est le calepinage le vrai enjeu, il y a des tuiles de départ, d’autres d’arrivée, il faut éviter de les découper sur place, alors je les ai comptées, et dessinées sur plan une à une. Cette façade a des centaines d’heures de travail derrière elle. »

Pas le droit d’utiliser la tuile pour le gymnase situé à plus de 28 m de hauteur, c’est la règle. D’où un bardage métallique et un mur-rideau largement vitré et, à 7 m de hauteur, des poutres treillis très légères comme de la dentelle : « On a un peu magnifié notre savoir-faire de la structure bois, avec un plafond origami, on retrouve le même esprit de composition que celui de la façade. » Et pour l’immeuble qui représente le plus gros stock de bois de tout le village olympique, des poutres apparentes en épicéa : « Pas besoin de les couvrir, encore un exemple de frugalité constructive. »

Maîtres d’ouvrage : Nexity, Eiffage Immobilier, CDC Habitat
Architecte : Dream
Entreprises : Eiffage Construction, Dalkia Smart Building ; structure bois : Simonin Wood Solutions ; façade : groupe Goyer ; parement : Terreal, Les Pierreux Franciliens
Investisseur : Groupama Immobilier

Une façade freestyle

 
Photo : Hérard & Da Costa Architectes

Comme un trophée, la façade en forme de couronne surplombe la piste de BMX Racing de la ville de Troyes. Arrondie, elle évoque les vallonnements du circuit et sa teinte opaline apporte une touche de légèreté à cette extension de la halle sportive rénovée et située à proximité. À l’intérieur, petit salon, salle de réunion, vestiaires offrent tout le confort nécessaire aux athlètes des JO de Paris venus s’entraîner sur le circuit : « On voulait que cette extension fasse un tout avec la halle et on a imaginé un bardage translucide pour lui donner une allure plus immatérielle », explique Frédéric Hérard de l’agence Hérard & Da Costa Architectes. Et, pour provoquer cet effet, l’architecte a choisi un matériau particulier, le polycarbonate : « Il est très solide et ne jaunit pas sous l’effet du soleil, il est aussi très souple et facile à poser, ce qui lui évite à terme de devenir cassant. »

Photo : Hérard & Da Costa Architectes

Fabriqué en France près de Lille dans les ateliers de la société Onduclair, ce produit assimilable à du verre plastique présente aussi l’intérêt d’être recyclable à 100 % : « Quand on le récupère, il est broyé en paillettes et, à nouveau fondu, il repasse dans l’extrudeuse pour redevenir utilisable sous forme de plaques découpées en fonction des demandes », d’après Fabien Barré, responsable technique du groupe Onduline France. Pour le chantier du circuit BMX, les plaques ondulées transparentes ont été traitées avec des additifs pour les rendre plus opaques et cacher la structure du bâtiment. C’est en revanche l’intérieur du bâtiment qui profite d’une ambiance douce et tamisée, le passage de la lumière est de 66 % : « Cette idée est très originale et notre produit est mis en valeur de façon artistique, il accompagne bien le design de cet arc de cercle géant, c’est la démonstration que l’on peut tout faire avec. »

D’après le fabricant, ces plaques de polycarbonate, légères, résistantes et non inflammables, se prêtent déjà à une large gamme d’applications : serres agricoles, carports, bacs acier et panneaux métalliques, mais aussi visières de casques et boucliers de CRS. Une souplesse d’utilisation qui a donné l’idée à l’architecte d’installer le bandeau de la façade en porte à faux, et d’en faire une protection solaire aux parois vitrées en retrait. Un espace libre, très vite improvisé en préau pour se mettre à l’abri : « Tout le monde est content de cette petite trouvaille, en premier les parents qui viennent regarder leurs petits riders sauter les bosses et les obstacles », raconte Frédéric Hérard. Et pour ce sport spectaculaire, un toit-terrasse accessible, mais seulement pour les équipes de tournage.

Photo : Onduline

Maître d’ouvrage : Ville de Troyes
Maîtres d’œuvre : Hérard & Da Costa Architectes ; Exatec (bureau d’études structures) ; Seti (bureau d’études CVC et électricité)
Pose Onduclair : Arsène Davulian

Cet article est extrait du magazine 5Façades 167 disponible sur Calameo.