Les parements de façade en terre cuite connaissent une remarquable renaissance, alliant tradition et innovation pour offrir des solutions esthétiques et durables. Au cœur de cette évolution, les techniques de bardage et les tuiles en terre cuite qui se réinventent, offrant une palette variée de formes, de couleurs et de textures pour répondre aux besoins des architectes et redéfinir les standards de l’architecture contemporaine.

Conçu par l’agence bordelaise BPM Architectes en groupement avec Delta Construction, cet îlot, quartier Bastide-Niel à Bordeaux, est habillé en façade et en toiture d’une tuile terre cuite grand moule à facettes (30,4 x 45 cm structurée)
Diamant Huguenot d’Edilians en coloris Argentique.
Photo : Edilians

Les systèmes de façade en terre cuite peuvent être classés en deux grandes catégories : les techniques courantes, régies par des DTU (documents techniques unifiés), et les techniques innovantes sous avis technique. Parmi les techniques courantes, le mur double se démarque par sa polyvalence architecturale, offrant une grande liberté dans la conception grâce à sa structure non porteuse. Parallèlement, les tuiles en bardage, de plus en plus prisées par les architectes, sont en train de devenir une solution courante, avec l’élaboration du futur DTU 45.4 spécifiquement dédié aux bardages en tuiles. Cette évolution témoigne de l’engagement des professionnels du secteur à encadrer et à promouvoir l’utilisation de la terre cuite dans la construction contemporaine.

Jeu de moirage avec quatre références de bardage terre cuite Argeton de Wienerberger. Réhabilitation de 62 logements sociaux à Marly-le-Roi (78) par Frask Architectes.
Photo : Géraldine Bruneel
Vers une utilisation sur ossature bois

Une des avancées les plus significatives est l’exploration de l’utilisation des bardages en terre cuite sur ossature bois. Bien que cette pratique ne soit pas encore considérée comme courante, la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), en collaboration avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), s’est engagée dans la rédaction d’un guide de conception de bardages en terre cuite sur construction ou façade à ossature bois (FOB). Ce guide vise à garantir la durabilité des infrastructures post-Jeux, tout en explorant des méthodes de construction innovantes. Une initiative qui positionne les constructions des JOP 2024 en pionnières de l’innovation face aux défis urbains du 21ᵉ siècle. Cette démarche reflète la volonté de diversifier les matériaux de construction tout en répondant aux exigences croissantes en matière de durabilité et de performance énergétique.

Tendance esthétique et innovation technique

Si l’on parle design, l’émaillage de la terre cuite est au cœur de l’innovation esthétique du moment, offrant une palette de couleurs importante et une durabilité exceptionnelle. Cette tendance est particulièrement remarquable dans les projets architecturaux contemporains, où les façades en terre cuite émaillée se démarquent par leur originalité et leur élégance. Les fabricants repoussent les limites de la production pour offrir des produits sur mesure. Et de fait, la terre cuite émaillée est en train de vivre un véritable come-back, tant en couverture qu’en façade. Son utilisation s’étend au-delà des applications traditionnelles, offrant aux architectes une liberté d’expression sans précédent. Les avancées dans les techniques de production et de mise en œuvre ouvrent de nouveaux horizons esthétiques, permettant de repousser les limites de la créativité architecturale.

Résidence Ekko, Bastide-Niel à Bordeaux, Duncan Lewis Scape Architecture. Enveloppe « fraîche » (cool roof) en tuiles plates émaillées blanc en couverture et bardeaux en terre cuite en façades, déclinés dans un dégradé de cinq blancs émaillés. Fabricants Erlus et Moeding.
Photo : Adrien Sifre-Drone33
Bardages de plus en plus grands

Côté bardages, les nouvelles technologies de fabrication permettent de créer des éléments de plus en plus grands et complexes, ouvrant là encore de nouvelles perspectives de conception architecturale. D’ailleurs, dans ce domaine, les architectes jouent souvent un rôle de moteur d’innovation, obligeant les fabricants à pousser les limites technologiques et matérielles. Cependant, il existe des contraintes pratiques et économiques inévitables qui freinent la faisabilité de certaines demandes, notamment celles concernant la fabrication d’éléments de très grandes dimensions, supérieures à 2 ou 2,5 m. La maintenance de la planéité et de la précision dimensionnelle sur de telles échelles présente des problématiques techniques non négligeables.

Le développement de matériaux qui permettraient de les surmonter impliquerait une évolution significative qui semble peu probable à court terme. Actuellement, même pour des éléments de grande hauteur et de grande finesse, la solution adoptée consiste généralement en la juxtaposition d’éléments ne dépassant pas 2 m. Travailler avec des pièces de plus grandes dimensions est rare, principalement en raison des difficultés de manipulation et de la fragilité accrue des matériaux, ce qui augmente également le risque de déchets. D’un point de vue économique, les coûts associés à ces contraintes rendent ces options peu viables. Une réduction drastique des coûts serait nécessaire pour envisager de repousser ces limites. Les demandes spéciales, qui sortent des options standard offertes par les catalogues, peuvent être justifiées uniquement si elles sont soutenues par un volume de commandes suffisant qui permet d’amortir les coûts supplémentaires liés à leur production.

Stéphane Miget

Prévisions en demi-teinte pour le secteur de la couverture

L’Observatoire de la rénovation en couverture en tuiles, mené par la Fédération française des tuiles et briques (FFTB), offre un aperçu de l’état du marché de la couverture tuiles en France. Cette enquête téléphonique bisannuelle, réalisée auprès de 800 couvreurs, permet de dresser un panorama des tendances à l’échelle nationale et régionale. Les résultats de la dixième édition réalisée en février 2024 montrent un optimisme prudent de la part des professionnels du secteur. En effet, malgré le contexte, 80 % des couvreurs interrogés déclarent, pour le moment, maintenir une activité normale ou forte. Cependant, ils font face à des prévisions peu encourageantes pour le premier semestre 2024. Comparé à 2023, une tendance au repli est anticipée, avec une situation particulièrement morose dans la moitié est du pays, où les perspectives sont nettement plus sombres que dans l’ouest. Une distinction est également observée entre les entreprises de différentes tailles : celles comptant moins de 10 salariés prévoient une baisse moins marquée (- 1,9) que celles employant plus de 10 personnes (- 4,5). Cette différence s’explique en partie par le poids plus important du marché du logement neuf pour les grandes entreprises, secteur qui connaît actuellement un effondrement significatif.

Île Saint-Denis, le macrolot PB en bordure du petit bras de Seine – agence Petitdidier-Prioux coordinatrice, groupement Pichet-Legendre – détient la plus grande diversité de typologies pour les ouvrages olympiques. La terre cuite en façade y est fortement représentée. Ici, le lot PB8 avec de la tuile Éminence champagne et rouge flammée de Terreal.
Photo : Terreal
Intégration des tuiles plates terre cuite au nouveau DTU bardage

Le nouveau NF DTU 45.4 pour le bardage avec isolation thermique par l’extérieur est en vigueur depuis le printemps 2023. Ce document, intitulé Système d’isolation thermique par l’extérieur en bardage rapporté avec lame d’air ventilée, remplace les parements de bardage en stratifié HPL, en plaques de fibres-ciment et en clins PVC à fixation traversante, suite à une décision de la commission chargée de formuler les avis techniques en 2017. Ce document concerne également les tuiles en terre cuite. Cette évolution résulte des retours d’expérience accumulés au fil des années, offrant un cadre normatif actualisé et adapté à ces pratiques établies. Les travaux de rédaction, entamés en 2018, ont duré cinq ans pour aboutir à cette norme en huit parties, visant principalement la France, tant pour les projets neufs que de rénovation et offrant ainsi un guide complet à l’ensemble du secteur.

La tuile vernissée pour faire de beaux rêves

Avec le projet de crèche Simone-de-Beauvoir à Liévin (62), baptisé Sweet Dreams par les architectes de l’agence Trace Architectes, il est proposé de redéfinir la manière dont l’espace architectural peut influencer et enrichir l’expérience des plus jeunes ainsi que celle du personnel.

Soit un travail sur l’harmonie des formes et des fonctions. Situé dans le quartier pavillonnaire des Marichelles, le bâtiment se distingue par sa géométrie audacieuse et par sa peau de tuiles vernissées. L’architecture inspirée du puzzle voit les pièces s’assembler de manière fluide pour créer un ensemble cohérent et fonctionnel. Cette disposition permet une compréhension immédiate des lieux et de leurs diverses fonctions par tous les utilisateurs – enfants, parents, personnel.

Photos : Denis Paillard

Les espaces sont conçus pour stimuler l’imagination des enfants et offrir des zones sécurisées pour jouer, se reposer et explorer. Le plan de la crèche est articulé autour de quatre pièces latéralisées qui encadrent une pièce centrale, le tout étant connecté par un atrium lumineux servant d’espace pour les activités communes. La façade joue un rôle clé dans l’expression du bâtiment comme point de repère dans le quartier. Revêtue de tuiles en terre cuite à pureau plat, vernissées et émaillées, elle ondule doucement, reflétant les courbes intérieures de la construction.

Cette peau externe n’est pas seulement un élément esthétique, tantôt, elle s’ouvre pour révéler les espaces de vie, tantôt, elle se ferme pour préserver l’intimité des dortoirs et des zones techniques. Pour les architectes, les tuiles vernissées symbolisent la dualité de la protection maternelle et du dynamisme enfantin. Leur aspect légèrement reptilien évoque le mouvement et la mutation, suggérant que le bâtiment lui-même est une entité vivante et adaptative qui répond aux besoins de ses jeunes occupants.

Photos : Denis Paillard

Cet article est extrait du numéro 166 du magazine 5Façades disponible sur Calameo