Le Moulin de la Sucrerie blanche, bâtiment inscrit au titre des Monuments historiques, et sa discrète extension accueillent un espace événementiel, des locaux de formation et des plateaux techniques dédiés à la recherche.
Photos : Kevin Dolmaire

Rénovation et extension respectueuses et tout en douceur pour le Moulin de la Sucrerie blanche. Ici, les architectes de l’agence Vurpas ouvrent un nouveau chapitre dans l’histoire de ce vieux site industriel en bord de Saône. Sans bousculer le patrimoine existant, mais en l’adaptant aux besoins actuels.

« Ancrée dans son histoire et résolument contemporaine », c’est ainsi que les architectes de l’agence Vurpas dépeignent la réhabilitation du Moulin de la Sucrerie blanche à Chalon-sur-Saône (71), sur un site industriel remarquable qui a commencé à émerger en 1823. Il faut dire que la ville a un passé industriel considérable qui se déploie sur presque deux siècles. L’ancien moulin, inscrit au titre des Monuments historiques, en est le dernier témoin. En 1997, la ville de Chalon-sur-Saône a racheté les 11 hectares ; tous les bâtiments seront démolis jusqu’en 2012, à l’exception du moulin, premier bâtiment et dernier vestige du site : « Il raconte une histoire économique, mais aussi politique, commerciale, géographique, technique et bien sûr architecturale. » Un contexte pris en compte par les architectes pour une réhabilitation-extension qui a su le réinventer.

Réhabilitation douce et respectueuse

Le programme baptisé « L’Usinerie » au service de l’industrie 4.0 s’inscrit dans l’autre histoire de Chalon-sur-Saône, berceau de la photographie et ville natale de son inventeur, l’ingénieur Nicéphore Niépce. Sur 4 000 m2 convergent l’enseignement supérieur, la recherche et les entreprises locales autour d’une grande plateforme qui rassemble les techniques innovantes : réalité virtuelle et augmentée, intelligence artificielle, robotique et cobotique, cybersécurité, fabrication additive et big data. Conscients des différentes temporalités entre l’ingénierie des nouvelles technologies et l’édifice patrimonial, les architectes expliquent « avoir imaginé un bâtiment adapté aux usages d’aujourd’hui et à ceux de demain, capable de s’accorder aux constantes évolutions et mutations du lieu. L’édifice est maintenant réhabilité de façon douce et respectueuse, agrandi d’une extension simple et sobre qui reste en retrait, et mis en scène par une grande terrasse surélevée faisant office d’écrin au bâtiment historique ». Le programme rassemble des espaces d’accueil, des lieux de rencontres et d’événements, des bureaux, des salles de réunion, des salles de cours, mais également de grands plateaux techniques, des ateliers et des laboratoires, dont un entièrement occupé par le « Blue Lemon », une salle d’immersion virtuelle. Pour les architectes, l’ancien moulin apparaît très vite comme le vaisseau amiral du site emblématique. « Il en est la permanence, la porte d’entrée, le cœur du projet autour duquel tout s’organise. L’intérieur permet une partition claire du programme. Il accueille les espaces événementiels au rez-de-chaussée et les locaux d’enseignement en étages, alors que les plateaux techniques trouveront place en second jour, dans l’extension contemporaine. » Le moulin, qui n’a pas une architecture industrielle, reprend les codes des bâtiments publics civils du 18e siècle. « Bâti aux prémices de l’ère industrielle, quand cette typologie de bâtiments n’existait pas encore. »

 Dans le prolongement d’un rez-de-chaussée ombragé par de grands arbres, un grand parvis, surélevé de quelques emmarchements, préserve le site des inondations.
 Intérieur, extérieur, le réemploi a été une ligne conductrice. Par exemple, toutes les reconstitutions des baies de façades proviennent de pierres issues de déblais ou démolitions. De même, un inventaire des pièces de bois a permis soit de conserver soit de répliquer les pièces à remplacer.

Rendu velouté de grande qualité

L’édifice, de pierre et de bois, garde une certaine monumentalité qui s’exprime par un avant-corps central avec fronton, une symétrie organisant l’ensemble de la façade, un portail d’entrée dans l’axe, face à la Saône. Il retrouve sa façade d’origine. Le fronton avec œil-de-bœuf et lucarnes est restitué, les détails de sa modénature retrouvés. Les enduits à la chaux avec badigeons lui donnent un rendu velouté de grande qualité. La couverture est elle aussi restaurée dans la tradition des toitures de Saône-et-Loire, soit des tuiles plates et rectangulaires, posées avec une forte densité dans un panaché de cinq nuances allant du rouge au brun. Les allèges des fenêtres du rez-de-chaussée ont été abaissées de un mètre pour apporter davantage de lumière naturelle. « Elles trouvent ainsi un élancement vertical plus contemporain. » Les façades arrière laissent visibles les stigmates de toutes les vies industrielles passées, à savoir les traces des bâtiments autrefois adossés : « Dans une logique d’efficacité, les structures existantes étaient facilement chahutées au gré des besoins. » Tout cela forme un bel ensemble de murs mixtes, composés de mâchefer, de pierres, de briques, d’agglos, de métal, d’ouvertures comblées. Le projet de rénovation s’inspire de cette atmosphère et de cette esthétique. Il s’inscrit dans une volonté d’interventions minimales en préservant tout ce qui est possible de l’être. Les murs révèlent leur histoire. Les ouvertures récemment créées sont toutes constituées de jambages et linteaux en béton brut bouchardé, formant ainsi une unité. Les structures mises au jour restent visibles et les matériaux choisis sont pérennes. De ce fait, tous les réseaux, verticaux ou horizontaux, tels que chemins de câbles, gaines de ventilation, éléments de plomberie, restent apparents. Les réseaux modernes prennent place dans un bâti ancien sans être dissimulés. Tout s’attache à créer, dans cette partie du projet, une ambiance lumineuse et colorée. Pour sa restauration, les architectes ont souhaité conserver un maximum d’éléments et réemployer lorsque c’était possible.

 Au cœur du projet, entre ancien et neuf, les architectes ont créé l’espace de la Tour : une circulation dilatée, volontairement surdimensionnée, occupée par un grand escalier contemporain. Le tout est couronné par une verrière généreuse qui apporte la lumière au centre du projet.

Extension discrète

L’extension, qui loge tous les programmes techniques liés à l’ingénierie numérique, a été conçue de la façon la plus simple possible : « À sa place et en retrait de l’édifice patrimonial qu’elle révèle », résument les architectes. Soit un grand volume rectangulaire entièrement qualifié par ses matériaux. Côté Saône, une façade en verre éclaire les circulations : « Pour apporter de la douceur et une teinte répondant aux façades du moulin, le verre est dépoli en partie haute et transparent sur le rez-de-chaussée. Des projections pourront créer des animations nocturnes, assurant une nouvelle présence du projet dans la ville. » À l’arrière, une façade aveugle. Elle est formée par l’assemblage d’éléments de béton préfabriqué de couleur claire, rappelant celle des enduits des façades du bâtiment historique.

Stéphane Miget

 

  • Maîtrise d’ouvrage : Le Grand Chalon
  • Maîtrise d’œuvre : Vurpas Architectes Structure

Cet article est extrait du magazine 5Façades 159 disponible en intégralité sur Calameo.