Les deux dernières décennies ont vu se décupler l’attrait pour le bois, non seulement en aménagements intérieurs, mais aussi en structure et enveloppe. Nul doute que c’est une bonne chose que de voir revenir ce matériau sur le devant de la scène, encore faut-il bien le connaître, le prescrire à bon escient et espérer que le projet ne rencontre pas d’obstacles qui remettraient ce choix en cause.

Par Robert-Jan van Santen, fondateur et directeur général de VS-A

Photo : Michel Denancé
Doc. : Pierre-Louis Carlier

Il y a vingt ans…

VS-A a commencé à s’intéresser au bois en 2003, à l’occasion des études façades pour le projet Le Colysée à Lambersart, conçu et réalisé dans le cadre de « Lille, capitale européenne de la culture » avec l’architecte Pierre-Louis Carlier. La structure principale était en béton pour mettre à profit sa forte inertie thermique, mais toute l’enveloppe a été pensée en bois et en isolation thermique par l’extérieur. Cette réflexion sur l’enveloppe a permis de développer le thème de la verticale, disposition idéale pour favoriser la pérennité du bois. Ainsi, le bardage utilise deux sections de bois, dont une de 80 x 20 mm en Ipé, classe 4 suivant la norme NF EN 335-1, qui correspond au capot serreur des murs-rideaux.

 

Photo : Pierre-Louis Carlier

Les traverses ont été enlevées, remplacées par un double joint silicone sur fond de joint entre verres superposés, permettant la ventilation de leur joint de scellement. La solution a été validée par un Avis de chantier délivré par Apave nous sommes en 2004 et le principe de calage en angle a fait l’objet d’un essai mis au point directement avec le bureau de contrôle. Les profilés maintenant les vitrages sur les deux côtés verticaux sont issus du système Raico qui venait d’obtenir l’Avis technique qui lui permettait d’être installé sur des montants en bois que nous avions dimensionnés à 80 x 120 mm de profondeur. Totalement en bois est trop dire, puisque la section 100 % en bois suffisait tout juste à franchir les portées de 3 200 mm.

Des renforts en plats acier seront placés dans les montants pour franchir respectivement 6 400 et même 9 000 mm de portée libre, sans modifier la section, mais en adaptant certaines caractéristiques des appuis. C’était une première pour l’entreprise Verrières du Nord, et pour nous aussi. Vingt ans après, le bâtiment a bien vieilli, juste quelques désalignements à déplorer. Peu de temps après, forts de cette première expérience, nous avons appliqué ce même principe au centre aquatique et nautique de Mantes-la-Jolie, avec Dubuisson Architecture.

Premier mur-rideau bloc en bois

Le projet de Patrick Mauger pour l’IGN à Saint-Mandé fait face à la façade sud entièrement bardée de volets en bois du projet que nous avions réalisé avec Laura Carducci. L’architecte reprend l’idée du bois, et nous y répondons en faisant le pari d’utiliser le bois sous toutes ses caractéristiques, de résoudre en une fois l’ensemble des attendus de la conception et de fusionner les référentiels de conception tels que l’Eurocode 5 et les DTU 33.1, 39 et 36.5, dans un seul geste constructif. L’exosquelette en bois est bien révélé en vision tangentielle. Il permet aussi de loger les brise-soleil orientables, ainsi abrités du vent, et projette une ombre qui permet l’emploi de vitrages plus transparents. Nous allons proposer une ossature traversante, apparente tant côté extérieur qu’intérieur, avec un plan de clos et couvert intermédiaire, cher aux architectures des années 1970.

Doc. : VS-A

En menuiserie aluminium, on place le rupteur de pont thermique là où il doit être ; en menuiserie bois, il faut procéder différemment. Ces contraintes nous ont amenés à sécuriser le risque de déformation des cadres bois soumis à des tensions hygrométriques différentielles avec notamment un calcul spécifique des fixations, l’intégration d’entretoises au bardage, une ventilation renforcée entre cadres et un suivi drastique des drainages et chemins d’écoulement de l’eau. Le bois résineux des menuiseries fixes, identique à celui de la charpente, est protégé des intempéries par un traitement autoclave transparent. Finition intérieure par une simple lasure. Toute surface horizontale étant potentiellement un point problématique, nous avons, avec l’architecte, testé puis convenu de doubler la hauteur des blocs, ce qui accessoirement leur conférait un élancement plus élégant (2 x 3 270 = 6 540 mm, disposition fidèlement reprise par le façadier Bluntzer).

Le temps qui passe a peu affecté les façades, qui vieillissent bien. Le seul bémol vient des discrètes couvertines, trop discrètes pour protéger entièrement les traverses saillantes. Après près de dix ans de services, le préjudice est uniquement visuel, mais la maîtrise d’ouvrage, fort bien éclairée, a récemment sollicité notre pôle R+ pour y remédier avant qu’il ne soit trop tard. Le besoin de maintenance est connu de tous, mais son coût sera souvent un frein à ce qu’il soit appliqué avec la rigueur requise. Donc autant l’avoir en tête lorsque l’on conçoit ces façades bois, afin que l’on ne remarque de leur âge que leur belle patine.

Photo : VS-A

Le bois en IGH

Le projet de façade réalisé avec les architectes Béal et Blanckaert pour la RIVP (Régie immobilière de la Ville de Paris) est né de la nécessité de mettre en œuvre une façade légère à ossature bois préfabriquée, adaptée au système d’appui sur boîtiers à ressort de ce foyer de jeunes travailleurs, en surplomb d’une école et des voies de la gare d’Austerlitz. De cette nécessité est née l’idée architecturale d’une lecture modulaire des façades associant chaque logement étudiant à son panneau préfabriqué. Ce projet ne disposait pas, à l’époque de sa conception en 2011, des appuis du DTU 31.4, paru en 2019, ni des essais de laboratoire démarrés en 2017 concernant la propagation du feu dans les façades. En d’autres termes, nous disposions essentiellement du DTU 33.1 appliqué aux murs-rideaux métalliques pour encadrer l’interface avec le support béton et définir/tester les performances AEV, des Eurocodes 5 pour la définition des ossatures, ainsi que de quelques indications de l’IT 249 de 2010 pour gérer la question du feu.

Doc. : Béal & Blanckaert

C’est grâce à deux rencontres préalables au CSTB en conception, puis au démarrage en exécution, que le contrôleur technique et par la suite le maître d’ouvrage ont été rassurés de la capacité de ce système à aboutir à une Appréciation technique d’expérimentation et à un Avis feu favorables, justifiant le caractère courant de la technicité, et une absence de risque majorée. La réalisation de l’ouvrage aura donc permis de vérifier les performances élevées de ce système de façade sans pare-pluie, dont l’étanchéité est réalisée avec les menuiseries et le bardage ventilé. La connectique d’interface entre chaque module et ses composants, faite avec le façadier Kyotec, est parfaitement adaptée aux futurs IGH bois. C’est sur ce projet précurseur, répertorié au parangonnage de l’ADIV bois, que VS-A fonde sa compétence pour répondre aux projets contemporains de façade bois en IGH. Les façades de ce bâtiment, qui ont subi une dizaine d’années d’exposition jusqu’à une hauteur de 40 m, n’ont déclaré aucune fuite et ont tenu toutes les promesses d’une ossature bois préfabriquée protégée par son enveloppe.

Photo : Béal & Blanckaert

Et maintenant

L’expérience issue de la vingtaine de projets réalisés en bois nous livre un ensemble d’enseignements applicables aux projets présents et à venir. Il est souvent question de gain de matière et de temps lorsque l’on parle de fabrication hors site et d’industrialisation. Ce n’est pas si simple. Pour viser une optimisation maximale, la branche R&D de VS-A propose a minima d’y inclure une réflexion sur les typologies des façades dans leur ensemble.

Cet article est extrait du magazine 5Façades 165 disponible sur Calameo.