Par Robert-Jan Van Santen, architecte, directeur général et fondateur de VS-A. La rédaction de 5Façades a décidé de donner la parole à de grands acteurs de la façade. Le bureau d’études VS-A ouvre le bal avec une série d’articles consacrés aux problématiques du moment écoconception, efficacité thermique hiver et été… et aux innovations qui en découlent.

Il y a cinquante ans, les entrepreneurs étaient les conseillers privilégiés des architectes pour concevoir, dessiner, calculer et prescrire leurs projets de façades légères. Les diagnostics constructifs que nous menons régulièrement nous rappellent que l’absence de textes normatifs a stimulé l’imagination des entrepreneurs et a souvent permis de produire des bâtiments d’excellente qualité architecturale, avec des dispositions constructives très diverses et des performances répondant parfaitement aux demandes de l’époque.

Centre Prouvé, à Nancy, après rénovation des façades.
Photo : VS-A

L’avènement de la première loi MOP en 1985 souligne la nécessaire indépendance des architectes vis-à-vis des entreprises, alors qu’en parallèle de nouvelles exigences d’isolation thermique imposent progressivement des solutions constructives plus complexes. À l’époque, la plupart des entreprises passent la main aux gammistes, qui ont le temps et les moyens de développer des produits et systèmes répondant aux demandes de la nouvelle règlementation.

Il en découle une relative uniformisation des procédés constructifs, partiellement masquée par l’avènement des systèmes VEC (vitrage extérieur collé), VEA (vitrage extérieur agrafé) et des vitrages à couches toujours plus performantes – lesquelles compensent les faiblesses des menuiseries, dont on parle encore peu. Plus récemment, le DTU 33.1 P1-1 de mai 2008 remplace la norme expérimentale XP 28-002-1 de décembre 1996. Les murs-rideaux ont enfin un référentiel…

Mais le paragraphe 5.5.7 « Economie d’énergie et isolation thermique » ne comprend que trois lignes et renvoie vers d’autres normes ! Les BET thermiques et énergie traitent la question au niveau du projet, mais rentrent peu dans les détails constructifs. Les produits, de plus en plus techniques et de plus en plus performants, relèvent à présent d’Avis techniques, une procédure vertueuse mais onéreuse, qui va réduire encore une fois le nombre de produits disponibles (il en existe pas loin de 200 dédiés à l’habillage de murs). L’alternative pour les produits ou projets innovants est une validation par ATEx. Une procédure unique en Europe, efficace – dont le nombre s’accroît alors rapidement.

Avènement de l’objectif bas carbone

Par le passé, les concepteurs et les entrepreneurs ont pu suivre les évolutions réglementaires en ajustant l’épaisseur des composants des murs, et recourir à des produits plus performants. Aujourd’hui, l’objectif bas carbone ajoute une exigence qui, à y regarder de près, est plutôt une révolution. Les concepteurs doivent revoir leur manière de concevoir leurs bâtiments afin d’en réduire l’empreinte carbone, tout en préservant le confort des usagers, la fonctionnalité des lieux… et en respectant le budget défini souvent plusieurs années en amont.

Quel est le rôle du bureau d’études façades dans ce contexte ?

Le bureau d’études façades est un partenaire qui accompagne maîtres d’ouvrages et prescripteurs pour faire les bons choix en fonction des demandes exprimées et du contexte. Pour ce faire, VS-A revendique une totale indépendance de tout fournisseur, entrepreneur ou filière de matériaux, et s’est équipé d’outils et de spécialistes dans des domaines très divers. En amont du projet architectural, on trouve les missions d’assistance à la maîtrise d’ouvrage (AMO), de participation à des jurys de concours d’architecture ou, au sein d’équipes de maîtrise d’œuvre, à des concours d’urbanisme ou, plus classique, d’architecture. Les interventions en amont permettent de placer le projet sur une bonne trajectoire, avec éventuellement moins d’embûches.

Les objectifs de performance élevée impliquent cependant d’arrêter des choix constructifs très en amont, ce qui modifie les modes de consultation et permet de désigner plus rapidement le groupement d’entreprises. Le développement du projet gagne donc en efficacité constructive, mais perd en flexibilité, ce qui complique l’intégration de concepts architecturaux tardifs. Lorsque des objectifs encore plus vertueux visent à réduire les coûts d’exploitation, ou encore à programmer la fin de vie, on s’aperçoit vite que de tels engagements sur le long terme favorisent rarement l’innovation, qui reste trop souvent associée à une prise de risque. Ainsi, des produits sont arrêtés plusieurs années avant leur mise en œuvre effective sur le projet, alors que ce laps de temps pourrait être mis à profit pour mettre au point des idées innovantes. Le mieux est l’ennemi du bien.

Un BET est en mesure de faire de nombreuses propositions sur les projets qu’il traite. Parmi celles qui ne sont pas retenues, nous identifions parfois des idées qui pourraient être intéressantes dans un autre contexte, et qui méritent de fait un autre destin. Ce qui nous amène à les transformer en programme de R&D. La plupart de ces recherches visent des optimisations économiques et écologiques, puisant dans le registre de la low-technicité et de la frugalité. Cela nous a conduits à déposer cinq brevets, dont deux ont donné lieu à la création de startups spécifiques pour développer les produits.

D’autres nous permettent de proposer des solutions pouvant être intégrées à d’autres projets, ou attendent encore la rencontre avec l’industriel ou le maître d’ouvrage pour voir le jour. Le principe du Verre intérieur collé (VIC), mis en œuvre sur deux programmes importants, montre le cheminement d’un projet unique vers un procédé standard pouvant être diffusé à une plus grande échelle. Une industrialisation vue comme une opportunité plutôt qu’une contrainte. Constat que nous avons pu faire dans nos agences chinoises.

VS-A en bref

Robert-Jan Van Santen a créé, en 1989, un BET éponyme de design et d’ingénierie de façades, depuis dénommé VS-A. Le BET, installé à Lille et codirigé avec Jérôme Damiens, est constitué d’une équipe d’une trentaine d’architectes et d’ingénieurs spécialisés, à part sensiblement égales. Aux côtés d’une activité traditionnelle de BET, VS-A a créé, voici trois ans, un pôle « écoconstruction » et un pôle « R+ ». Le premier explore les techniques constructives liées aux matériaux biosourcés, le second s’occupe plus précisément de réparations d’ouvrages sinistrés ou nécessitant une maintenance lourde. « Nous cherchons à préserver la diversité dans nos missions : sur nos écrans se côtoient boutiques de luxe, équipements publics, logements sociaux… et design de produits industriels. » Aujourd’hui, le rayonnement géographique de VS-A couvre la France et tous ses pays limitrophes, mais également l’Afrique du Nord et les pays du Golfe. Des bureaux VS-A opèrent aussi en Asie, en Chine, en Corée du Sud et au Japon.

Informations utiles à retrouver sur le site www.vs-a.group.

 Robert-Jan Van Santen et Jérôme Damiens, codirigeants du BET VS-A.
À gauche, l’épine de la façade imaginée par Claude Prouvé lors de la construction du bâtiment. À droite, celle de la nouvelle façade dessinée par le BET VS-A.
Photo : VS-A

Centre Prouvé à Nancy : façade en vitrage intérieur collé (VIC)

Jean Prouvé fut un précurseur, d’abord en tant qu’industriel puis en tant que consultant. Notre intervention en diagnostic sur plusieurs de ses façades nous en a fait prendre la juste mesure : on reconnaît sa signature au premier regard. Mais peu de façades murs rideaux sont vraiment identiques, car elles sont fortement configurées par l’architecture du projet et par leur relation à la structure.

Ce type de façade se décline en plusieurs familles, le mur-rideau grille avec raidisseur extérieur est l’une d’entre elles. Elle est structurelle, offre potentiellement une protection solaire de par sa forme concave, mais elle est surtout appréciée par sa présence architecturale. C’est ainsi qu’elle fut appliquée de manière identique sur les quatre façades du Tri postal de Nancy, œuvre de Claude Prouvé, fils de Jean.

 

Lors de la reconversion du bâtiment en Centre des congrès, les architectes Barani et Presles ont souhaité en conserver l’apparence, notamment les épines. À défaut de pouvoir réutiliser les existantes, la nouvelle façade, dessinée par VS-A, en reproduit fidèlement le gabarit. Mais la proposition comprend aussi une sensible amélioration des performances thermiques, et l’effet radiateur des épines est partiellement atténué par la modénature parfaitement lisse côté intérieur – verre et menuiseries sont affleurants. Le dispositif sera baptisé VIC, pour Vitrage intérieur collé – évidemment un clin d’œil au VEC. Nous avons réalisé un autre projet en VIC à l’hôpital Necker, avec l’architecte Philippe Gazeau.

Il était alors question de concevoir une façade qui soit exempte, côté intérieur, de surfaces horizontales ou d’angles rentrants difficiles à nettoyer. Une disposition somme toute très raisonnable pour ce type de programme. Sur les deux projets, le VIC ne s’est pas imposé pour des raisons esthétiques, mais parce qu’il répondait à des questions précises, fonctionnelles, identifiées en amont des études. On n’innove pas sans raison. L’avenir nous dira si l’idée prototype, développée sur un chantier test, est suffisamment pertinente pour évoluer vers un produit générique.

Maître d’ouvrage : Communauté urbaine du Grand-Nancy
Architectes : Marc Barani et Christophe Presles
BET façades du bâtiment reconverti : VS-A
Bureau de contrôle : Veritas
Entreprise de façade : Permasteelisa

Cet article est extrait du n°162 du magazine 5Façades disponible sur Calameo.