Le tramway T9 dessert dix-huit stations entre Orly et la porte de Choisy, à Paris 13e. Installé sur la commune d’Orly, en lisière des voies ferrées du RER C, son site de maintenance et de remisage (SMR) de 8200m2 de surface construite présente une architecture à la fois industrielle et poétique. Un projet signé Ferrier Marchetti Studio.

Chaque jour, les 22 rames de la ligne T9 se faufilent sous le pont ferroviaire du RER C pour passer la nuit au SMR. Elles s’arrêtent une première fois à l’endroit de la station-service de 90m de long, où il est procédé au lavage des wagons et au remplissage des réservoirs à sable, dont la projection sous les roues améliore l’adhérence avec les rails lors des démarrages et des freinages. Les rames aptes au service du lendemain rejoignent ensuite les voies extérieures de remisage, à l’ouest du site. Celles qui nécessitent des travaux de réparation, comme le reprofilage des roues en disque parfait, vont à l’atelier de quelque 4000m2, où les techniciens peuvent accéder à toutes les mécaniques grâce aux fosses et aux passerelles.

Un important travail de VRD a précédé la réalisation des 24 nefs de métal du projet, dont la moitié sud, en liaison directe avec l’atelier de réparation, est réservée au poste de commandement et aux bureaux. Benoît Gavier, ex-ingénieur de l’entreprise Legendre, titulaire du macrolot clos- couvert et gros oeuvre, indique que « la canalisation d’Eau de Paris », dont l’usine d’Orly alimente en eau potable un bon quart de la capitale, « a dû être placée dans une galerie souterraine circulable ». François Marquet, chef de projet de Ferrier Marchetti Studio, rapporte de son côté « une énorme masse de terre de7mdehaut»àévacuerdela totalité du terrain (4,4ha). « Le site du SMR a servi de décharge à déblais lors de la construction des pistes de l’aéroport. Il s’agissait de retrouver le sol originel pour pouvoir passer sous le RER. Évacuées par péniche, les terres ont servi à remblayer les mines de Belgique », détaille-t-il.

Thème et variations

Quelle fatalité condamnerait les bâtiments logistiques à souffrir une architecture de vulgaires boîtes colorées ? Pour Jacques Ferrier, instigateur de la « Sensual City », c’est une véritable « identité bâtie et paysagère » qu’il s’agissait de créer à l’adresse de la ville d’Orly. « Les habitants des barres de logements ont des vues sur les toitures du SMR », abonde François Marquet, qui réfute l’idée de surcoûts significatifs assujettis aux qualités plastiques du projet. « Nous n’avons utilisé que des produits industriels, explique- t-il. C’est une spécificité de l’agence : travailler à partir de produits de catalogue, les transcender pour en tirer une esthétique architecturale. » La répétition, avec thème et variations, est une autre clé de la réussite. La station-service ressemble aux bureaux ; les bureaux à l’atelier de réparation. L’ensemble a de faux airs d’usine et de cathédrale. Quelle que soit la géométrie du plan, les nefs sont parallèles entre elles, à l’exception de celle de la station- service. L’invariabilité de leur largeur (7 m) est contrebalancée par l’alternance de trois pentes de toit. Petite particularité qui tient lieu d’ornementation et de signal urbain à proximité de l’entrée : deux envolées de toiture dessinent une ombrière de métal déployé sous laquelle est placé un jardin de bouleaux. « Il était intéressant de confronter la végétation et l’industriel », souligne l’architecte à propos de ce dispositif scénographique paysager, encadré par des murs en verre armé.

Façade d’accès à l’atelier des rames de tramway

Palette restreinte

Toutes les façades des bâtiments sont réglées au pas de 500 mm. Un systématisme qui, au-delà de son intérêt économique, vise « l’homogénéité de l’écriture architecturale ». Deux produits, seulement, sont utilisés pour le bardage : la lame ST500 en acier laqué (RAL 9006) et la lame Écaille en inox recuit brillant d’ArcelorMittal, dont le pli de 125 mm de profondeur implique d’imposantes couvertines en rive des toitures (h. 250 mm, prof. 600 mm). Plusieurs techniques de mise en œuvre sont en revanche rapportées en fonction de la nature des locaux et des supports (charpente métallique ou prémurs en béton). Benoît Gavier explique que, en section courante de l’atelier, le bardage triple peau se compose d’un plateau perforé (acoustique intérieure), d’un isolant en laine de roche (150 mm), d’un pare- pluie métallique nervuré (type Trapeza) et de la tôle décorative (ST500 ou lame Écaille). Dans les bureaux, « la présence d’ouvrants opaques et de vitrages à châssis fixes » – Ferrier Marchetti Studio apprécie de discriminer ce qui relève de la ventilation et du « droit au paysage » – a conduit l’entreprise à « réaliser une ossature équivalente à celle d’un mur-rideau, avant pose des habillages ».

 

Beaucoup de lumière, un peu de jaune en substitution du gris, des matériaux bruts, principalement du métal : « Il n’est pas vraiment fait de distinction d’expression entre les intérieurs » de chaque partie du programme, explique François Marquet. Éclairant la circulation en boucle des bureaux, la paroi en Profilit du patio est ainsi contreventée par des tubes rectangulaires d’acier galvanisé, dont les sections sont laissées brutes de découpe. Les portiques en PRS des nefs sont imaginés comme des Meccano, avec « clé de voûte », « chapiteaux » et boulonnage apparent. Ils ne supportent le plus souvent que deux pannes faîtières et deux pannes sablières, sur lesquelles sont fixées de longues pièces de couverture. Versant sud : des panneaux-sandwichs Ondatherm en acier (Salvia 49GM en face extérieure, RAL 9006 en face intérieure). Côté nord, façon shed, comme dans l’industrie : des plaques Politram 32 de polycarbonate alvéolaire. « Les toitures en pente permettent de bien évacuer les eaux et d’alléger la charpente », souligne l’architecte. Et de résumer « l’esthétique de l’utile », dont se réclame l’agence : « Du ST500, de l’Écaille, du Ondatherm et du Politram. Avec ça, on a fini ! »

Tristan Cuisinier

Voies de remisage et façade arrière du SMR.

  • Maîtrise d’ouvrage : Île-de-France Mobilités

  • Architecte : Ferrier Marchetti Studio
  • Bureau d’études : Arcadis ESG
  • Paysagiste : D’ici là
  • Entreprise générale : Legendre Construction
  • Surface : 10 350m2
  • Livraison : 2021

Fosses et passerelles de l’atelier
 L’éclairage naturel de l’atelier est assuré par des sheds de polycarbonate alvéolaire.
Circulation en boucle autour du patio (partie bureaux).

Cet article est extrait de 5façade n°158 > Découvrir le numéro en intégralité <