Les avancées en matière de matériaux durables, combinées à une vision architecturale innovante, transforment, dans un monde idéal, les villes en espaces où la beauté, la fonctionnalité et la durabilité cohabitent harmonieusement. Les solutions techniques, tant en matière de design que de performances énergétiques, incarnent une nouvelle ère dans laquelle l’architecture, toujours dans un monde idéal, n’est plus seulement un art, mais aussi un acteur central de la transition écologique.

Approche régénérative, frugale et bas carbone

Avec le nouveau groupe scolaire L’Oiseau-Lyre à Noisy-le-Grand (93), r2k Architectes explore un nouveau modèle pédagogique, d’inspiration finlandaise. Sur le plan architectural, cela se traduit par une grande diversité d’espaces partagés où le bois et la lumière naturelle sont omniprésents. Photo : Jacques Merel

L’architecture contemporaine, influencée par les impératifs de décarbonation fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) et par la nouvelle réglementation environnementale RE 2020, se tourne de plus en plus vers une approche frugale et régénérative, visant à minimiser l’utilisation de ressources tout en maximisant l’efficacité énergétique. Le concept d’« architecture frugale » met en avant la sobriété matérielle, en réduisant les quantités de matériaux et en optimisant leur cycle de vie. En parallèle, l’architecture régénérative cherche à réintroduire des éléments naturels dans l’environnement bâti, en intégrant des espaces verts, des façades végétalisées ou des solutions favorisant la biodiversité urbaine. Cette approche est illustrée par l’émergence de bâtiments « zéro carbone » ou même à empreinte carbone négative, où les matériaux utilisés sont pensés pour stocker plus de carbone qu’ils n’en émettent lors de leur fabrication. Par exemple, les projets de construction en bois, qu’il s’agisse de structures, d’ossatures, de bardages ou d’isolants, stockent le carbone tout en offrant une grande liberté créative aux architectes. Le bois, de par sa souplesse et sa légèreté, permet des réalisations esthétiques variées, tout en répondant aux exigences de durabilité.

L’Adidas Arena, porte de la Chapelle, sous la maîtrise d’ouvrage de la Ville de Paris, conçue par les agences d’architecture SCAU et NP2F. Bardage en Alucobond Plus naturAL Brushed, 8 840 m2 de panneaux aluminium composites rivetés. Photo : Nicolas Grosmond

Accompagner la trajectoire bas carbone

Neuf ou réhabilitation, la trajectoire bas carbone dans le secteur de la construction est donc un engagement qui va bien au-delà d’une simple réflexion sur les matériaux. Inscrire la production de bâtiments, logements ou autres, dans la transition écologique est une chose. Cela implique de proposer un habitat construit avec des matériaux biosourcés, géosourcés ou à faible impact carbone. Il s’agit aussi de les rendre attractifs et de créer un cadre pour rendre possible l’innovation. À cela s’ajoute la diversité des territoires, ce qui impose de penser en fonction des ressources locales, d’où l’importance de structurer les filières au plus près des besoins. Donc consolider et développer l’économie circulaire, celle-ci favorisant la trajectoire bas carbone. Sachant que les émissions carbone ont lieu durant tout le cycle de vie du bâtiment (construction, exploitation, fin de vie), c’est dès le lancement du projet que l’ensemble des parties – architectes, collectivités, maîtres d’ouvrage, constructeurs, bureaux d’études, entreprises – doivent considérer l’empreinte carbone. Des réflexions qui engloberont les conditions liées au terrain, tout comme la forme architecturale, le système constructif, les matériaux utilisés et les quantités, ou l’organisation du chantier. De même, les plans d’urbanisme sont déterminants et concourent directement à l’atteinte de ces objectifs. De fait, c’est un retour aux sources, une architecture bioclimatique, qui cherche à adapter la conception des bâtiments au climat environnant. Les principes bioclimatiques reposent sur l’orientation des bâtiments, la gestion de l’inertie thermique des matériaux et la ventilation naturelle. L’objectif est de limiter les apports énergétiques extérieurs en optimisant la gestion des énergies passives. Sur le plan technique, les matériaux à faible impact carbone, bois et biosourcés, ainsi que les matériaux géosourcés comme la terre crue ou la pierre, représentent un atout indéniable, mais ils ne suffisent pas. Construire ou rénover bas carbone repose principalement sur une véritable intelligence de la conception : recherche de l’adéquation du bâtiment aux besoins de ses usagers, frugalité dans les quantités de ressources utilisées, mixité des matériaux (le bon, au bon endroit) si possible locaux, recours au réemploi ou encore réduction des déchets. Le choix de la réhabilitation plutôt que de la construction neuve permet de conserver le gros œuvre et la structure, lesquels représentent à eux seuls près de 50 % des émissions lors de la phase de construction. De même, les parkings et infrastructures ont un poids carbone qui peut être très important. Des solutions existent pour le réduire, comme la mutualisation des stationnements pour des bureaux en journée et des logements le soir, ou le développement des mobilités douces.

L’Échappée, Herblay-sur-Seine, Prairie Architectes. Les piles de pierre apportent une qualité structurelle, architecturale et environnementale à l’édifice. La résille métallique blanche confère une identité visuelle forte à l’ensemble et permet de réguler l’apport de lumière naturelle, tout en façonnant son confort intérieur. Photo : Salem Mostefaoui

Expérience hors site

Pour atteindre les objectifs, certains promoteurs et bailleurs sociaux voient dans la construction dite « hors site », méthode d’industrialisation qui va au-delà de la simple préfabrication, un moyen de résoudre nombre de difficultés liées à la production : délai, qualité, coût, décarbonation… Pour que la promesse soit tenue, la filière est en train de s’organiser. De nombreux acteurs du bâtiment, notamment ceux qui s’intéressent à la production de logements et/ou à la rénovation, en ont saisi tout l’intérêt et ont d’ores et déjà engagé des réflexions sur le sujet. Cette nouvelle filière donne déjà de bons résultats en Suède et au Royaume-Uni, et est en voie de structuration en France. Pour l’accompagner et accélérer son développement, un appel à projets (AAP) « Développement de la construction et de la rénovation hors site (Crhos) » a d’ailleurs été lancé sous l’égide de France 2030. Opéré par l’Ademe et piloté par le secrétariat général pour l’investissement, il s’inscrit dans la stratégie d’accélération « Solutions pour la ville durable et les bâtiments innovants ». Dans cet AAP, l’Ademe donne une définition très large de l’approche : un « processus de construction ou de rénovation intégrant la conception, la préfabrication, la logistique, le contrôle qualité, la mise en œuvre sur le chantier et la démontabilité en fin de vie, de sous-ensembles de bâtiments produits en dehors du chantier ». Le retour d’expérience montre que les conditions majeures de réussite, relevées par les utilisateurs de la méthode, reposent sur la qualité de la collaboration entre les différents intervenants, et ce, dès la conception. L’adhésion des architectes à ces nouvelles techniques est également jugée essentielle.

L’ensemble mixte Binet, Paris 18e, se démarque par sa peau en ardoise naturelle Cupaclad 101 Random Cupa Pizarras. ECDM Architectes. Photo : Cupa Pizarras

Résidence étudiante au centre de Lyon, AA Group Architectes. La surélévation sur deux étages a été traitée hors site avec un système de murs à ossature bois en 2D sur plancher bois. Photo : GCC Aureca!

Matériaux et design, entre innovation et tradition

Construction conventionnelle ou hors site, neuf ou rénovation, les matériaux utilisés pour l’enveloppe des bâtiments se réinventent dans une quête de légèreté, de durabilité, et d’impact environnemental réduit. À l’instar de l’architecture paramétrique, où les formes organiques et complexes, souvent générées par des algorithmes, deviennent possibles grâce aux nouveaux matériaux composites, l’esthétique du bâtiment évolue. Ces matériaux permettent des façades dynamiques, où la lumière, les ombres, et même la ventilation naturelle sont intégrées dans la conception du bâtiment. Les façades évolutives, dont l’apparence peut changer en fonction de la luminosité, de la température ou même des saisons, montrent également comment l’innovation technologique peut servir l’esthétique tout en répondant aux nouveaux impératifs énergétiques. Ces façades offrent non seulement une grande flexibilité en termes de design, mais contribuent aussi à améliorer les performances thermiques des bâtiments. D’un autre côté, on observe un retour aux matériaux ancestraux comme la terre crue ou la pierre utilisées dans des techniques de construction vernaculaires revisitées. Ces matériaux, tout en étant respectueux de l’environnement, offrent des solutions esthétiques singulières, apportant une texture et une chaleur naturelles aux bâtiments contemporains. Des matériaux comme la terre cuite, qui possède une grande inertie thermique, sont également privilégiés dans ce type de conception pour réguler naturellement la température intérieure du bâtiment en absorbant la chaleur le jour et en la restituant la nuit, contribuant ainsi à une performance énergétique passive. Dans ce contexte, l’enveloppe du bâtiment joue un rôle central dans la régulation thermique et la consommation énergétique. Les solutions de bardages innovants permettent non seulement de protéger les bâtiments des intempéries, mais aussi de participer activement à la réduction de leur consommation énergétique grâce à l’intégration de technologies comme les panneaux solaires intégrés. De même, l’utilisation de verres intelligents et de matériaux thermorégulants permet de concevoir des bâtiments où la lumière et la chaleur sont gérées de manière optimisée, sans nécessiter un recours excessif à des systèmes de chauffage ou de climatisation.

Cet article est extrait de 5façades n°168, disponible en version numérique