Souvent associée aux bâtiments du patrimoine, l’ardoise naturelle réussit à se faire une petite place au soleil dans les projets d’architecture contemporains. Grâce à ses caractéristiques esthétiques et techniques, elle parvient à conquérir la toiture et la façade.

Photo : Cuppa Pizarras

En France, certains matériaux sont invariablement associés à la tradition. L’ardoise naturelle, le must-have de la longère bretonne, est de ceux-là. Mise en œuvre en couverture, elle est surtout utilisée dans des zones géographiques où elle est déjà installée, historiquement parlant. « Quand on se promène dans l’Ouest, elle est partout, car liée à notre architecture depuis plus de mille ans, et elle a marqué l’effort de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale », souligne Erwan Galard, chef de produits couverture pour la France chez Cuppa Pizarras.

Sylvain Dugal, prescripteur national chez Rathscheck, ajoute : « La majorité du marché de l’ardoise intéresse la rénovation de l’existant (environ 70 %, ndlr), du patrimoine aux monuments historiques (châteaux, églises, manoirs, etc.) en passant par les logements individuels et les bâtiments publics. » Dans le neuf et particulièrement dans le logement collectif et le tertiaire, sa part est bien plus faible, même si les maisons individuelles neuves de Bretagne et du Val-de-Loire font mentir cette affirmation. « L’ardoise a un coût (entre 70 et 90 € du mètre carré, ndlr), alors qu’une grande part du budget va être consacré en priorité aux exigences des normes environnementales et thermiques », analyse Sylvain Dugal.

La couverture vient plutôt en second plan. Malgré des prescripteurs encore timorés, le matériau perce tant bien que mal et parvient à s’inviter dans des projets architecturaux contemporains. Il quitte peu à peu le toit pour descendre en façade et, de la verticale passe à l’horizontale. Les fabricants, eux, développent des produits aux teintes et aux finitions variées, pour répondre à un maximum de conceptions. « C’est un matériau qui a de l’éclat. Il est souvent demandé à la genèse même des projets », assure Sylvain Dugal. Car il présente aussi quelques avantages non négligeables dans une réalisation contemporaine, notamment sa mise en œuvre sur de multiples supports, de l’ossature bois au béton.

 Les ardoises sont de dimensions variables (500 mm pour les plus grandes), ce qui anime
la façade. « Cette trame répond aussi à des problématiques techniques pour s’adapter aux différentes ouvertures et contraintes du projet », précise Sylvain Dugal.
Photo : Rathscheck
 Un recouvrement de 40 mm permet de dissimuler les fixations.
Photo : Rathscheck

Un matériau dans l’air du temps

L’ardoise provient majoritairement d’Espagne, elle n’est plus exploitée en France. Cela dit, elle affiche des atouts non négligeables dans le contexte de transition écologique que connaît le secteur de la construction. « C’est un produit naturel et 100 % recyclable, et il n’y a aucun additif chimique. Des arguments qui influencent le choix des architectes, maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre », assure Sylvain Dugal. Seul bémol selon lui, elle est souvent soumise à la dure loi des budgets. « J’ai vu certains programmes contemporains miser sur l’ardoise dans un premier temps, et se rabattre finalement sur l’aluminium ou le zinc pour des questions de coûts. » De leur côté, les fabricants persévèrent et s’activent pour la faire évoluer et aller vers des projets toujours plus modernes. Cuppa Pizarras ouvre, par exemple, son bureau d’études aux architectes, afin de travailler avec eux à l’élaboration de leur projet : « Nous allons de plus en plus à la rencontre des maîtres d’œuvre et tous les acteurs en amont de la construction pour leur démontrer que l’ardoise convient aux projets contemporains, par ses finitions plus modernes et des modes de pose innovants », conclut Erwan Galard.

Lucien Brenet

Toiture comme façade, le bâtiment est recouvert en grande partie d’ardoise, près de 600 m2 au total.
Photo : Cuppa Pizarras

Façade ardoise à rectangle variable à Fribourg (DE)

Cette bâtisse contemporaine regroupant des logements collectifs a été conçue par l’architecte Ulrich Mayer, de l’agence allemande Werkgruppe Freiburg. Elle répond aux normes des maisons passives et arbore une couverture en ardoise Rathscheck qui contraste avec le bois et l’enduit. Mise en œuvre sur une façade suspendue et ventilée par l’arrière isolée en deux couches, elle présente une épaisseur totale de 260 mm. Le principe retenu ici est celui de la couverture en rectangles à pose variable. Laquelle offre une trame irrégulière à joints croisés. Soit une esthétique très originale. Les ardoises sont posées horizontalement et vissées dans leur partie supérieure en trois endroits, à l’aide de vis inox. De cette façon, l’ardoise du dessus dissimule les fixations de celle d’en dessous grâce à un recouvrement de 40 mm. Autre avantage, la pose horizontale permet de gérer l’écoulement des eaux de pluie. Lesquelles suffisent à nettoyer la façade. Seul le soubassement n’est pas revêtu d’ardoise afin de limiter la casse. « Il y a un risque réel. Ces logements sont destinés à des familles avec des enfants, qui jouent au ballon ou font du vélo à proximité. C’est pourquoi les ardoises ne sont mises en œuvre qu’à partir du R + 1, bien qu’il n’y ait pas de contrainte légale », explique Sylvain Dugal, prescripteur national chez Rathscheck.

 Le système est sous Avis technique, afin de mesurer les seuils de rupture et de casse de la fixation. Il est certifié Q4, la plus haute classification de résistance.
Photo : Cuppa Pizarras

Mariage bois-ardoise pour un Pôle jeunesse, à Foix (09)

Ouvert en 2021, le nouveau Pôle jeunesse de Foix (09) a été confié à l’agence OECO Architectes. Ce lieu regroupe des services de médiation, d’insertion, d’orientation et de santé. Une réalisation biosourcée et écoconçue. Les façades de ce bâtiment en ardoise sont rythmées par des ouvertures en bois local (Douglas, mélèze, châtaignier et hêtre), créant ainsi un intéressant jeu de contrastes. Le choix de l’ardoise s’explique en partie parce que c’est un matériau très présent en Ariège (09), qui recouvre plusieurs édifices du département. Utilisée en façade (sauf le soubassement) et en toiture, elle confère à l’ensemble une impression monolithique, que viennent contrebalancer les ouvertures en bois. Au total, ce sont plus de 580 m2 qui ont été installés. Le système employé, signé Cuppa Pizarras, se compose de grandes tuiles de 40 × 20 cm et de 7,65 mm d’épaisseur, disposées horizontalement par des fixations invisibles sur des rails aluminium. « Nous fournissons un système global avec des vis spécifiques et étudiées pour faciliter la pose », précise Erwan Galard, chef de produits couverture pour la France chez Cuppa Pizarras. En toiture, ce sont des modèles gris clair à la texture rugueuse, qui ont été mis en œuvre. Les vis autoperceuses en inox à tête plate et de grand diamètre, ont été spécialement étudiées pour assurer une parfaite pose de l’ardoise, tout en restant invisibles grâce au recouvrement.

Cet article est extrait du magazine 5Façades 160 disponible sur Calameo